International

Rideau sur un coup de théâtre populiste de la gauche allemande

Historien, Politiste

Les scores élevés obtenus ce week-end en Allemagne par l’AfD sont l’occasion de revenir sur un récent épisode (heureusement) raté de la gauche allemande : lorsqu’un petit groupe d’intellectuels et de responsables politiques a tenté, pour de confuses raisons électoralistes, de doubler l’extrême droite sur sa droite, notamment sur la question des migrants.

En 2016, un dramaturge, une femme politique et un sociologue à la retraite se sont retrouvés au restaurant Paris-Moskau de Berlin en vue d’élaborer un plan visant à perturber la gauche allemande. L’homme de théâtre était Bernd Stegemann, une cinquantaine d’années, costaud, lunettes à monture métallique et la mine avachie de l’éternel étudiant. Il travaillait à cinq minutes en taxi de là, au Berliner Ensemble, la compagnie de théâtre fondée par Bertolt Brecht la même année que la RDA socialiste.

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La femme politique était Sahra Wagenknecht, l’une des critiques les plus acerbes du statu quo dans le pays. Née en Allemagne de l’Est d’un père iranien et d’une mère allemande, Wagenknecht a présidé le groupe parlementaire du parti Die Linke (La Gauche). Depuis sa fondation en 2007, ce parti – mélange d’ex-sociaux-démocrates et d’anciens communistes est-allemands – était estimé, au plan national, à 10% dans les sondages. Malgré la médiocre performance électorale de son parti, Wagenknecht est restée une des personnalités politiques les plus populaires du pays selon les sondages et une valeur sûre des principales émissions de débats.

Le sociologue, arborant pull couleur terre et moustache en brosse, était Wolfgang Streeck. Intellectuel parmi les plus connus d’Allemagne, Streeck est devenu une célébrité dans l’anglosphère de gauche suite à la publication par Verso en 2014 de son livre, Buying Time. Pour les lecteurs de la London Review of Books et leur cercle agrandi, Streeck faisait figure de guide dans le maquis de la politique européenne à l’ère de la troïka et du sauvetage de l’économie.

Bientôt, un quatrième camarade est sorti des coulisses : Oskar Lafontaine, le mari de Wagenknecht et le stratège de gauche sans doute le plus expérimenté de la scène politique allemande. Lafontaine a été ministre des Finances sous le chancelier social-démocrate Gerhard Schroeder, représentant de la « troisième voie » dans les années 1990, et il a présidé le SPD avant de démissionn


Quinn Slobodian

Historien, Professeur associé d'histoire au Wellesley College

William Callison

Politiste, Lafayette College

Mots-clés

Populisme