Être sauvage – sur White dog de Latifa Laâbissi
White dog, l’obscurité est totale. Une matière opaque et sombre dont on ignore encore ce qui peut en surgir. Le temps du spectacle, métaphorique, se pose sans rien pour le heurter, une pensée nocturne, paisible et inquiétante, à laquelle le regard doit s’habituer.
White dog, une forêt émerge de cette obscurité quasi-originelle, une jungle, immobile, artificielle, d’un autre monde, agencée de lianes jaunes fluorescentes qui en constituent la matrice. Il n’y aucune naturalité dans ce paysage. Cette forêt, cette jungle futuriste, est celle d’une géographie impossible à situer et pourtant étrangement familière. Tout va prendre forme depuis ce monde qui diffuse une promesse virginale. Le peuplement peut commencer.
White dog, Chien blanc. Un écho au roman éponyme de Romain Garry. Ce chien blanc dressé par la police américaine pour chasser et attaquer les Noirs dans le Sud des Etats-Unis, autrefois utilisé pour poursuivre les esclaves fugitifs. Ceux qui parvenaient à leur échapper disparaissaient parfois dans les vastes forêts, se rassemblaient en communautés de femmes et d’hommes libres, les marrons. La forêt leur assurait une vie de clandestins, une forme de résistance qui agissait comme une contre-culture aux sociétés esclavagistes et coloniales, ouvrant dès lors un champ vaste des possibles, où tout s’invente ; rituels, gestes, appartenances culturelles, désapprentissage et appropriation de nouveaux signes, d’identités multiples, richesses et miroitement des couleurs de peau, des plus sombres aux plus claires, non plus comme des assignations mais comme la promesse de laisser parler des voix libres.
Le chien blanc est là, quelque part, on l’entendra parfois aboyer dans le lointain, un extérieur qui menace, mais qui jamais ne viendra interrompre le cours des choses irrévocablement engagé dans sa danse libératrice. Sa place est celle d’un hors-champ.
C’est un petit groupe d’individus, trois femmes et un homme (les danseurs.seuses Jessica Batut, Volmir Cordeiro,