Politique

Réviser la Constitution pour les élus ou pour les citoyens ?

Juriste

Le Premier ministre, Edouard Philippe, entame ce mardi 6 mars une série de consultations d’une réforme constitutionnelle dont le projet demeure très flou. Et s’il s’agissait enfin de suivre le conseil de Pierre Mendès-France et, pour une fois, de réformer les institutions au bénéfice des citoyens ?

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La République fut gaullienne avec le général, bourgeoise avec Pompidou, aristocratique avec Giscard d’Estaing, monarchiste avec Mitterrand, opportuniste avec Chirac, bonapartiste avec Sarkozy, bonhomme avec Hollande, quel visage prendra-t-elle avec Emmanuel Macron ? Le président de la République s’est, en effet, engagé, aussitôt élu et dans son discours au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017, à réviser la constitution. Là n’est pas l’originalité : Giscard d’Estaing élu en mai 1974 fait modifier la constitution en octobre 1974 pour permettre à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel ; Jacques Chirac élu en mai 1995 fait modifier la constitution en  1995 pour étendre le domaine du référendaire aux lois relatives à la politique économique et sociale du pays ; Nicolas Sarkozy élu en mai 2007 fait modifier la moitié de la constitution en juillet 2008 pour, notamment, introduire la possibilité pour tout justiciable de soulever à l’occasion d’un procès une question prioritaire de constitutionnalité. Finalement, n’ont pas touché à la constitution les présidents de gauche, François Mitterrand et François Hollande, qui pourtant se rattachaient à une histoire et une philosophie constitutionnelle contraires à celles exprimées par le texte de 1958.

En revanche, l’originalité peut venir du contenu de la révision constitutionnelle annoncée. Depuis 1958, la constitution a été révisée 24 fois et toutes ont eu pour objet principal la structure des institutions étatiques et leurs relations mutuelles. Le mode d’élection du président de la République a été changé en 1962, et la durée de son mandat en 2000 et 2008 ; la durée des sessions parlementaires a été modifiée en 1995 ; le mode de composition du Conseil supérieur de la magistrature a été modifié en 2008 ; le Premier ministre a perdu la maîtrise totale de l’ordre du jour parlementaire et les projets et propositions de loi sont soumises au même régime depuis la révision de 2008 ; 


Dominique Rousseau

Juriste, Professeur émérite de droit public à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne,Directeur de l'Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne