Politique

Les origines néolibérales de l’antiglobalisme

Sociologue

« Globalistes » contre « Nationalistes », cette nouvelle ligne de fracture politique masque la vérité : les nationalistes populistes cherchent moins à défendre un modèle social qu’à s’affranchir des contraintes internationales imposés par les règles du libre-échange. Leur but est en réalité d’aller vers plus de capitalisme, et de contester le droit des nations non-blanches à intégrer équitablement le jeu du libre-échange mondial.

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Depuis que Trump a installé le conflit entre les « nationalistes » et les « globalistes » comme l’antagonisme politique central, il a été repris en chœur par tous les « populistes » sans exception, de Farage à Orban en passant par Salvini et Bolsonaro. Marine Le Pen a ainsi déclaré dans un récent entretien accordé à Breitbart (le média auparavant dirigé par Bannon) : « Le globalisme est un esprit post-national […] Il porte en lui l’idée que les frontières doivent disparaître, y compris les protections que ces frontières apportent habituellement à une nation. Elle repose sur l’idée que ce sont les marchés tout puissants qui décident de tout. Ce concept de globalisme est poussé par des technocrates qui ne sont jamais élus et qui sont les personnes typiques qui dirigent les choses à Bruxelles dans l’Union européenne. Les gens qui croient aux nations – les nationalistes – c’est exactement le contraire. Ils croient que les nations sont le moyen le plus efficace de protéger la sécurité, la prospérité et l’identité nationales pour s’assurer que les gens prospéreront dans ces nations. »

À l’intérieur de cette opposition, le « nationalisme » est implicitement compris comme la défense des populations attaquées par la globalisation économique, le retour de la souveraineté de l’État-nation et le « protectionnisme ». Dans un entretien accordé l’an passé au Figaro, Emmanuel Todd estimait qu’un renversement était en train de se produire, aux États-Unis avec le protectionnisme de Trump : « Une génération avait mis à bas, avec le néolibéralisme de Reagan, la société qu’avait instaurée l’État-providence rooseveltien ; une nouvelle génération d’Américains est en train de balayer aujourd’hui le modèle des années 1980 » ; et au Royaume-Uni, avec le Brexit où, alors que « Thatcher était une figure du néolibéralisme aussi importante que Reagan,  […] notre plus grande surprise a été de voir la droite conservatrice assumer le Brexit et discuter à présent ses modalités, et même s


[1]. Patrick Buchanan, The Great Betrayal. How American Sovereignty and Social Justice Are Being Sacrified to the Gods of the Global Economy, Little Brown, 1998, p. 265.

[2]. Cf. Alex Brummer, « Guru behind Pat Buchanan », The Guardian, 22 février 1996.

[3]. Cf. Wilhelm Röpke, International Economic Disintegration, William Hodge & Company, 1942.

[4]. Wilhelm Röpke, cité par Quinn Slobodian, Globalists. The End of Empire and the Rise of Neoliberalism, Harvard University Press, 2018, p. 152. Cf. aussi « The World Economy and the Color Line : Wilhelm Röpke, Apartheid and the White Atlantic », German Historical Institute Bulletin Supplement, n°10, 2014, p. 61-87.

Pierre Sauvêtre

Sociologue, Maître de conférences à l'Université Paris Nanterre

Mots-clés

Brexit

Notes

[1]. Patrick Buchanan, The Great Betrayal. How American Sovereignty and Social Justice Are Being Sacrified to the Gods of the Global Economy, Little Brown, 1998, p. 265.

[2]. Cf. Alex Brummer, « Guru behind Pat Buchanan », The Guardian, 22 février 1996.

[3]. Cf. Wilhelm Röpke, International Economic Disintegration, William Hodge & Company, 1942.

[4]. Wilhelm Röpke, cité par Quinn Slobodian, Globalists. The End of Empire and the Rise of Neoliberalism, Harvard University Press, 2018, p. 152. Cf. aussi « The World Economy and the Color Line : Wilhelm Röpke, Apartheid and the White Atlantic », German Historical Institute Bulletin Supplement, n°10, 2014, p. 61-87.