Écologie

L’animal et le social : vers une révolution zooanthropologique ?

Philosophe

Face à la crise écologique actuelle, la nécessité de repenser la place de l’humain au sein du vivant est fondamentale. Alors que la plupart des paradigmes analytiques proposés jusqu’alors par les sciences sociales échouaient à se détacher de l’anthropocentrisme culturel, une nouvelle sensibilité à l’égard des interrelations qui traversent le vivant est en train d’émerger, remettant ainsi le dialogue entre acteurs humains et non-humains au centre de l’analyse.

Une révolution invisible, qui touche le monde social et qui a trait aux nouvelles relations entre humains et animaux, est en cours. L’importance de cette révolution tient au fait que nous sommes entrés dans des sociétés qui ont accepté progressivement non pas seulement d’avoir des échanges avec les animaux, comme ce fut toujours le cas, mais plus fondamentalement de se laisser transformer par l’ensemble des interactions entre vivants humains et vivants non-humains.

Cette profonde transformation socioculturelle souligne toute la différence entre relations et interactions. Une relation sociale interspécifique qui en reste à un échange dominé par l’humain ne peut venir perturber et transformer ce même échange social dans la mesure où elle se vit du seul point de vue humain. Or la révolution dont nous parlons ici échappe aux deux obstacles qui avaient empêché jusqu’à maintenant la réciprocité des échanges entre espèces : l’anthropomorphisme et l’anthropocentrisme. De telles interactions interspécifiques au contenu foncièrement éthique nous font entrer dans une expérience inouïe du social.

L’entrée en crise des relations sociales de type anthropocentrique.

La révolution sociale qui est en cours de manière presque invisible est fondamentalement une étape nouvelle mais inédite dans les relations entre les humains et les animaux. Elle peut se résumer à une forme radicalement nouvelle de sensibilité à l’égard du vivant. Les causes qui expliquent la naissance de cette nouvelle sensibilité à l’égard du monde animal sont multiples mais peuvent être ramenées aux deux plus essentielles : un nouveau rapport à la nature provoqué par la crise écologique majeure que vit la terre et un sentiment généralisé qui se traduit par une conscience exacerbée de la finitude du monde et de la vie.

Il existe incontestablement un nouveau rapport à la nature provoqué par la crise écologique actuelle à l’issue entièrement incertaine. C’est pourquoi la révolution sociale qui est en cours et qui est


[1] Signalons à ce sujet la récente publication d’un texte important parce que le premier à avoir établi dès les années 60 l’existence d’un lien étroit entre la crise écologique et le christianisme médiéval dont l’anthropocentrisme expliquerait l’exploitation de la nature, y compris animale, par l’Occident : Lynn T. White Jr, Les racines historiques de notre crise écologique, Paris, PUF, 2019, traduit de l’anglais par Jacques Grinevald, dans une édition établie, présentée et commentée par Dominique Bourg. Nous critiquons les idées iconoclastes de cet historien américain, dans un livre à paraître aux Editions Médiaspaul, Une éthique animale pour le XXIe siècle. Déconstruire l’anthropocentrisme, Paris, 2020, collection « Questions d’éthique ».     

[2] Sur la question de la vulnérabilité en lien avec son existence proprement sociale, nous renvoyons à un ouvrage à paraître : Enrique Utria et Sébastien Bouchard (éd.), Animalité et vulnérabilité. Une révolution de la sensibilité, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2019. Nous nous permettons de mentionner dans ce même volume notre contribution : « Vulnérabilité de la condition animale dans l’éthique de Jacques Derrida ».

Patrick Llored

Philosophe, Professeur de philosophie et chercheur en éthique animale, phénoménologie animale et éthologie politique.

Mots-clés

Climat

Notes

[1] Signalons à ce sujet la récente publication d’un texte important parce que le premier à avoir établi dès les années 60 l’existence d’un lien étroit entre la crise écologique et le christianisme médiéval dont l’anthropocentrisme expliquerait l’exploitation de la nature, y compris animale, par l’Occident : Lynn T. White Jr, Les racines historiques de notre crise écologique, Paris, PUF, 2019, traduit de l’anglais par Jacques Grinevald, dans une édition établie, présentée et commentée par Dominique Bourg. Nous critiquons les idées iconoclastes de cet historien américain, dans un livre à paraître aux Editions Médiaspaul, Une éthique animale pour le XXIe siècle. Déconstruire l’anthropocentrisme, Paris, 2020, collection « Questions d’éthique ».     

[2] Sur la question de la vulnérabilité en lien avec son existence proprement sociale, nous renvoyons à un ouvrage à paraître : Enrique Utria et Sébastien Bouchard (éd.), Animalité et vulnérabilité. Une révolution de la sensibilité, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2019. Nous nous permettons de mentionner dans ce même volume notre contribution : « Vulnérabilité de la condition animale dans l’éthique de Jacques Derrida ».