Société

Du Petit Chaperon Rouge – à propos de l’affaire Matzneff

Écrivaine

La postérité des Contes de Perrault s’explique-t-elle par leur fascinante intemporalité ? On peut le penser à la lecture du Consentement, le livre de Vanessa Springora paru début janvier et qui retrace l’emprise exercée sur elle, jeune adolescente, par l’écrivain Gabriel Matzneff : près de quatre siècles plus tard, la cruelle morale du Petit Chaperon Rouge demeure terriblement d’actualité.

Un débat virulent occupe les colonnes et les sites d’information à propos d’un pédophile déclaré qui depuis trente ans exerce impunément son penchant et s’en targue dans l’imprimé, sans émouvoir jusque-là les populations, pas plus la justice que les milieux éditoriaux et les médias, couvrant de sarcasme les rares protestataires qui s’en formalisaient. Or le scandale cette fois est que la voix qui s’élève est celle de quelqu’un qu’on entend rarement ou jamais : l’ancien enfant qui, ayant vécu cette expérience, en donne sa version contre celle qui prévalait ; de surcroît par même voie d’imprimé ! Concurrence dont l’auteur incriminé se dit aussi outré que blessé, ainsi que d’aucuns de ses amis, suffoquant de cette déloyauté, disputant au témoin tardif son autorité en la matière.

Pourtant rien de méchant ni de rancuneux dans cette réplique. Très posée au contraire, presque atonale. Nul déballage croustillant, nulle plainte victimaire ou appel à égorger le porc, de pathos ni de vindicte, d’autoamnistie complaisante non plus. Si réquisitoire il y a, c’est sous forme de constat factuel, le procès-verbal glaçant du ravage pédophilique. Et cette idée ingénue que quelque chose ne tourne peut-être pas rond quand, au su du plus grand nombre, un enfant a la verge d’un quinquagénaire dans la bouche à l’heure du goûter.

Tels sont les mots de Vanessa Springora dans son livre, Le consentement, dont le titre a l’avantage de soulever une question juridique fort mal emmanchée. Cette notion, assimilée à l’approbation ou à l’accord librement négocié entre deux personnes, s’applique étonnamment à la relation entre adulte et enfant, qu’encore aujourd’hui la loi française répugne à qualifier d’emprise, c’est-à-dire d’intimidation, de forçage – une gamine de 11 ans en fit récemment les frais. Le juge reste braqué sur sa définition spécieuse du « consentement » dont tout plaignant (même adulte) est suspecté, accusé d’avoir été partenaire volontaire, voire instigateur du rapport auquel a succ


Anne-Marie Garat

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