De l’innocence d’une œuvre d’Adel Abdessemed
Tout aura été question de flammes. Flammes haineuses, flammes calomnieuses, flammes infâmes, flammes mesquines, flammes minables, flammes avec de grands retours de flammes, flammes qui enflent et flammes qui renflent, flammes qui s’auto-engendrent. L’incendie aura pris, évidemment. Grand bûcher plein de vanités rougies et de peu d’orgueil, feu sans joie où chacun est venu jeter de l’huile afin que l’œuvre d’Adel Abdessemed, cet « insurgé de la poussière », pour reprendre les splendides mots que lui réserva Hélène Cixous dans un livre décisif, soit réduite en cendres. Des flammes, et des flammes. Partout des flammes. Des flammes pour ce nouvel autodafé, des flammes chez un artiste cracheur de feu, des flammes dans une œuvre qui, le temps de quelques jours, aura pu enfiévrer nos cœurs trop serrés de voir ainsi l’invisible avant d’embraser, éruptive comme la gueule du Stromboli, une meute pleine de colère, une meute hurleuse réclamant qu’on lui offre des têtes, des excuses et des coupables. Comme aux plus beaux jours.
Fascination
L’œuvre ? Printemps est son nom. Fut son nom, puisqu’elle a survécu cinq jours lors de l’exposition intitulée L’Antidote, au Musée d’art contemporain de Lyon. La matrice : une vidéo montrant des poulets, suspendus par les pattes, brûlés vif par des flammes incendiaires. Les bêtes se débattent, piaillent, supplient, hurlent à la mort, contre la mort. Montée en boucle, cette matrice, réalisée en 2013, était répétée en plusieurs séquences juxtaposées afin que fussent recouverts intégralement les murs hospitaliers de cette salle peuplée par les cris et l’effroi. De cette salle violente, le visiteur ne sortait pas indemne. Il était difficile d’y rester, d’y tenir. Les entrées ressemblaient à des issues de secours. Cette offense faite au(x) vivant(s) était difficilement soutenable. Mais on restait. On restait sans voix, on restait pétrifié, on restait car se jouait là une barbarie au visage absent, et pourtant si familière. On restait car