Art Contemporain

« Crash Test » ou l’art d’accommoder les restes

Journaliste et commissaire d'exposition

Proposée par le curateur et théoricien Nicolas Bourriaud, la très stimulante exposition « Crash Test » rassemble à La Panacée (Montpellier) une nouvelle génération d’artistes dont les œuvres permettent une compréhension élargie de la notion, désormais cruciale, d’anthropocène.

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Pour Crash Test, sa nouvelle exposition au centre d’art La Panacée (qu’il dirige), Nicolas Bourriaud a choisi comme sous-titre « La révolution moléculaire ». De quoi nous mettre simultanément sur la piste de deux directions à priori très éloignées l’une de l’autre mais dont on verra ici que l’art du commissaire – et du théoricien – consiste précisément à les faire coïncider. La première référence, ouvertement affichée dans le texte qui accompagne l’exposition, est celle du livre éponyme de Félix Guattari, paru il y a tout juste quarante ans. Dans cet essai de 1977 (réédité en 2012 aux Prairies Ordinaires), Guattari appelait à une révolution moléculaire : soit la multiplication de luttes discrètes et interstitielles, permettant de répondre à la « miniaturisation du système répressif mis en place par le capitalisme ». Une façon d’anticiper la capacité du nouveau capitalisme à se nicher un peu partout dans nos vies quotidiennes, nous mettant au travail sans même que nous en ayons conscience, tout occupés que nous sommes à produire massivement des images et des données personnelles traitées et recyclées par des algorithmes œuvrant notamment sur les réseaux sociaux.

Or, nous dit Bourriaud, l’« esthétique moléculaire » prônée par une nouvelle génération d’artistes que l’on rangera plus largement sous la bannière de l’art à l’heure de l’anthropocène, a vocation à saboter la machine, à enrayer ses rouages faisant de la pulvérisation ou de la désintégration un geste clé dans son éventail d’actions. C’est ainsi que l’on interprétera la carcasse d’avion réduite en cendres par Roger Hiorns dans l’une des premières salles de l’exposition ; les panneaux publicitaires devenus la proie de vers de cire chez Aude Pariset, ou, à l’inverse, les monticules colorés produits par des milliers de termites dans le cadre d’une collaboration entre l’artiste Agnieszka Kurant et un entomologiste de l’Université de Floride. Ce qui revient au final à peu près au même, puisqu’il s’agit d


Claire Moulène

Journaliste et commissaire d'exposition, Responsable du développement culturel de la Fondation Pernod Ricard et rédactrice en chef de la revue « Initiales » (Ensba Lyon)