L’histoire des savoirs a vingt-ans : une trajectoire française
À l’occasion de la publication d’une nouvelle revue consacrée à l’histoire des savoirs, il semble opportun de revenir sur vingt années de production scientifique dans ce domaine. Il y a vingt ans tout juste, deux manifestes venaient consacrer une manière nouvelle d’historiciser les savoirs, de s’approprier le tournant cognitiviste des années 2000. Le premier, Ways of Knowing (2000), de l’historien de la médecine John V. Pickstone, professeur à l’université de Manchester se proposait de bâtir une histoire transdisciplinaire faisant converger histoire des sciences, histoire de la technologie et histoire de la médecine, tandis que le second, Social History of Knowledge, écrit par Peter Burke, professeur à l’université de Cambridge, spécialiste d’histoire culturelle, relançait un projet de sociologie historique de la connaissance[1].
La France ne fut pas en reste puisque, dès 2007, la création de la Revue d’anthropologie des connaissances dirigé par Dominique Vinck était suivie par la publication des deux gros volumes collectifs Lieux de savoirs dirigés par Christian Jacob en 2007 et en 2011 témoignant d’une dynamique interdisciplinaire qui entendait se positionner face à la montée en puissance des sciences cognitives et des neurosciences qui s’affirmaient comme une alternative aux constructionismes des sciences sociales. Contre cette tendance, la prise en compte des lieux de savoirs, des interactions sociales, des pratiques cognitives situées dans des contextes proches ou lointains et dans une longue durée, pouvait sembler un moyen de lutter contre une forme de naturalisation dans l’analyse des processus de production des connaissances.
Je voudrais ici revenir sur les enjeux d’une trajectoire française de l’histoire des savoirs, en montrant les effets d’importation du questionnaire anglophone mais aussi les singularités liées à un ancrage de l’histoire dans les sciences sociales autour de deux concepts centraux : ceux de pratique et de lieu. Prendre au série