«L’Héroïque lande » ou la mémoire de ceux qui passent
De cette ville éphémère dont on a tant parlé, symbole de la « crise des réfugiés », de ses drames humains et des politiques de contrôle des frontières, il ne reste rien. On peine à retrouver, dans la forme des dunes, des marécages et des broussailles, le dessin des rues, l’emplacement des cabanes ou des échoppes. Les abris de bois et de bâches ont brûlé, les bulldozers ont recouvert de sable les restes de nourriture, les vêtements abandonnés. Une opération de « renaturation » du site menée par le Conservatoire du littoral a effacé toute trace de présence humaine sur cette lande, entre la zone industrielle et la mer. Les archéologues des temps à venir peineront à retrouver des vestiges de ce moment qui a pourtant marqué l’histoire contemporaine des migrations. Les multiples publications, films, expositions, spectacles traitant de la condition des exilés à la frontière franco-britannique attestent de l’importance de cet événement pour les consciences contemporaines. Ces entreprises artistiques, intellectuelles ou militantes se sont donné l’ambition, contre un effacement qui est aussi négation et déni, de construire une mémoire de ceux qui passent. L’Héroïque Lande: la frontière brûle est un fragment de ce monument. Un fragment monumental par son ampleur même, et le désir, assumé, de faire œuvre. Un document qui, sans quête d’exhaustivité, offre un regard subjectif sur l’existence dans cet espace à la frontière.
Sans pathos ou exotisme, la rencontre est à hauteur d’homme, avec ses difficultés linguistiques, ses interruptions, ses non-dits.
Se déployant dans le temps long de l’attente, le film de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval est un hommage aux personnes rencontrées qui ont fui, qui sont parties à l’aventure, qui ont survécu aux traversées du désert et de la mer, aux prisons libyennes, et qui sont bloquées là, plus tout à fait en France et pas encore en Angleterre, parce que les barrières d’Eurotunnel sont trop hautes, les scanners du port trop perfecti