Santé

Hydroxychloroquine ou l’essai clinique à l’épreuve du Covid-19

Sociologue

Fin mars, le professeur Didier Raoult annonce avoir démontré l’efficacité de l’hydroxychloroquine contre le coronavirus, provocant fort logiquement un tollé dans le milieu scientifique, notamment en raison du protocole très insuffisant. Ce débat réactive un affrontement ancien au sein de la communauté médicale autour du statut de la preuve, opposant les défenseurs de la méthode scientifique aux tenants d’une médecine pragmatique face à l’urgence thérapeutique.

Depuis les débuts de l’épidémie de coronavirus, l’efficacité et la toxicité de l’hydroxychloroquine font l’objet d’intenses discussions. Dans ce débat, ce ne sont pas seulement les effets du traitement qui sont discutés, mais aussi la pertinence épistémique (i.e. relative à la constitution du savoir) et éthique des essais cliniques en tant que mode d’évaluation. Sur la base de quelques études françaises et internationales, l’infectiologue Didier Raoult et son équipe de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille défendent l’utilité d’une solution thérapeutique au Covid-19 constituée d’une combinaison d’hydroxychloroquine et d’un antibiotique[1].

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Les résultats de ces enquêtes tendraient à montrer une amélioration du taux de guérison et une accélération du processus de rétablissement. Mais pour ses contradicteurs, ces données n’ont que peu de valeur sur le plan épistémique. En médecine, le corps n’est pas un témoin fiable. De nombreux facteurs peuvent expliquer une guérison : la confiance prêtée à un traitement ou à son médecin, l’effet du temps, la bienveillance des soignants et le sentiment d’être entre de bonnes mains jouent un rôle certain dans l’amélioration de l’état de santé des malades. Pour tenir compte de ces biais, la réalisation d’essais cliniques est jugée indispensable.

L’essai clinique : entre épistémologie et éthique

Un essai clinique consiste à comparer les effets d’un traitement expérimental à ceux d’un traitement de référence ou un placebo. La comparaison doit permettre de contrôler l’existence des biais de confusion préalablement évoqués, et de démontrer qu’il existe une différence d’efficacité statistiquement significative entre les deux traitements. Pour ce faire, au moins une centaine de patients est généralement recrutée. En-deçà de ce nombre, pour des raisons de puissance statistique, il est difficile d’interpréter les données : le risque serait de conclure à tort à l’efficacité supérieure d’un traitement (risque de faux positi


[1] Gautret P. et al., « Hydroxychloroquine  and  azithromycin  as  a  treatment  of  COVID-19:  results  of  anopen-label  non-randomized  clinical  trial », International  Journal  of  Antimicrobial  Agents, 2020 et Gautret P. et al., « Clinical and microbiological effect of a combination of hydroxychloroquine and azithromycin in 80 COVID-19 patients with at least a six-day follow up: an observational study », 2020

[2] Freidson E., La profession médicale, Payot, 1984, p. 177

[3] Dodier N., Barbot J., « Le temps des tensions épistémiques. Le développement des essais thérapeutiques dans le cadre du sida », Revue française de sociologie, Vol. 41, n°1, 2000, p. 79-118

[4] Marks H., La médecine des preuves. Histoire et anthropologie des essais cliniques (1900-1990), Synthélabo-Les empêcheurs de penser en rond, 1999

Amélie Petit

Sociologue

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Gautret P. et al., « Hydroxychloroquine  and  azithromycin  as  a  treatment  of  COVID-19:  results  of  anopen-label  non-randomized  clinical  trial », International  Journal  of  Antimicrobial  Agents, 2020 et Gautret P. et al., « Clinical and microbiological effect of a combination of hydroxychloroquine and azithromycin in 80 COVID-19 patients with at least a six-day follow up: an observational study », 2020

[2] Freidson E., La profession médicale, Payot, 1984, p. 177

[3] Dodier N., Barbot J., « Le temps des tensions épistémiques. Le développement des essais thérapeutiques dans le cadre du sida », Revue française de sociologie, Vol. 41, n°1, 2000, p. 79-118

[4] Marks H., La médecine des preuves. Histoire et anthropologie des essais cliniques (1900-1990), Synthélabo-Les empêcheurs de penser en rond, 1999