Épidémie virale et panique morale : les quartiers populaires au temps du Covid-19
Dans Folk Devils and Moral Panics, le sociologue britannique Stanley Cohen rappelait que « de temps à autre, les sociétés sont en proie à des épisodes de panique morale. Une circonstance, un événement, une personne ou un groupe de personnes sont alors définis comme une menace pour les valeurs et intérêts de la société. Les médias les dépeignent de façon stylisée et stéréotypée ; rédacteurs en chef, autorités religieuses, politiciens et autres personnes bien-pensantes érigent des barrières morales ; des experts patentés formulent leurs diagnostics et solutions ; des réponses nouvelles apparaissent et (plus souvent) des mesures anciennes sont réactivées ; enfin la circonstance ou l’événement se résorbe et disparaît, ou au contraire s’aggrave et gagne en visibilité »[1].

La stigmatisation des habitants des quartiers populaires suspectés de ne pas respecter le confinement entré en vigueur le 17 mars dernier relève assurément de cette définition canonique du phénomène de panique morale. Dès le lendemain, ils étaient pointés du doigt par des médias et sur les réseaux sociaux, submergés par un flot d’indignation visant le comportement d’une population qui serait toujours prompte à se soustraire à la règle commune.
Le ton a été donné avec la publication d’un article de Valeurs Actuelles intitulé « Barbès, Château Rouge, La Chapelle : ces quartiers où l’on se fiche des règles de confinement ». Dans le déferlement médiatique qui suit bientôt, polémistes (Michel Onfray, Éric Zemmour), figures politiques (Eric Ciotti, Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen) et représentants des syndicats policiers (Synergie, Unité SGP Police-FO) en appellent au déploiement de l’armée ou à l’instauration d’un couvre-feu pour faire plier la « racaille », les « quartiers d’immigrés » et autres « territoires perdus de la République ».
Reprenant l’antienne sur les « avantages indus » accordés aux quartiers et la « prime aux fauteurs de trouble », les mêmes ont dénoncé une indulgence coupable de l’Ét