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États-Unis : morne plaine de la solidarité ?

Politiste

Les images de manifestations contre les politiques de confinement en provenance des États-Unis peuvent sembler incongrues, et même tout à fait indécentes. Elles renforcent l’image du pays du Far West, du small government, de l’individualisme et du capitalisme triomphants. Interrogé depuis une perspective française, un observateur avisé pourrait toutefois montrer qu’il s’agit moins là d’une absence totale de solidarité, que d’une conception particulière du rôle de l’État fédéral comme garant des libertés.

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Pays du Far West, des poor lonesome cowboys et des self-made men ; patrie du small government, de l’individualisme et du capitalisme triomphants : les poncifs pleuvent dès qu’on parle des États-Unis. La question de l’existence d’une véritable solidarité au sein de ce qui est vu comme une société darwinienne ne permettant que la survie des plus aptes se pose. Quelques réponses d’un observateur avisé (qu’on nommera T. car il tient à son anonymat) aux questions de Fabrice. Ce dernier est notre envoyé spécial depuis chez lui. Confiné, il scrute le « champ de bataille » américain avec sa lunette française.

Fabrice : Les États-Unis ont le plus de cas de coronavirus au monde ! C’est parce qu’ils n’ont pas d’État-providence, non ?
T : Les États-Unis ont le plus de cas de coronavirus… recensés. Le nombre de morts annoncé par les autorités chinoises (un peu plus de 3 000) n’est tout simplement pas crédible. D’ailleurs, la fête des morts chinoise (le 5 avril) a obligé les autorités à retourner les urnes funéraires aux familles. Et là, surprise : des chiffres « non officiels » avoisinent les 60 000 décès. Quant à l’Inde, ne l’oublions pas, elle connaît l’épidémie de coronavirus en décalé. Avec ses 1,3 milliards d’habitants, et les conditions d’hygiène dans certaines régions, on peut s’attendre à des chiffres records. La remarque vaut également pour la Russie. Bien qu’ayant moins d’habitants que les États-Unis (144,5 millions), l’indigence de la plupart des infrastructures sanitaires laisse craindre un bilan très lourd.

Vous voulez dire que les chiffres sont faux ?
Aucun des chiffres qui circule n’est pondéré statistiquement. Or, c’est en termes de surmortalité par rapport aux années précédentes que l’on peut apprécier la létalité d’une pandémie de cette nature puisqu’elle frappe en premier lieu les personnes les plus fragiles et les plus âgées. Sur le plan politique aussi, des pondérations s’imposent. Parmi ces pays à forte population, les États-Unis sont sans doute


Elisa Chelle

Politiste, Professeure à l’Université Paris Nanterre, Chercheuse affiliée au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po

Mots-clés

Covid-19