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Le nouveau triangle Ryad, Jérusalem, Washington

Géopolitologue

Quelques jours après ses déclarations sur le droit d’Israël à « vivre en paix » sur son territoire, le prince saoudien Mohammed Ben Salmane (MBS) est arrivé ce dimanche en France pour une visite officielle. Ses propos témoignent d’une spectaculaire recomposition des alliances au Moyen-Orient : un axe Washington-Jérusalem-Ryad entend désormais s’opposer à l’axe Moscou-Ankara-Téhéran, réuni pour sa part cette semaine en Turquie à propos de la Syrie. Mais ces rapprochements tactiques laissent de côté les grandes questions stratégiques.

Il y a exactement dix ans en avril 2008, dans un entretien au Financial Times, Hossein Shariatmadari, à l’époque le rédacteur en chef du journal conservateur Kayhan et un thuriféraire influent de la révolution islamique, justifiait  la politique d’intervention de l’Iran dans son voisinage en ces termes : « Les Iraniens ont leur dignité et le temps des brimades est terminé… Si Téhéran intervient sur les questions arabes, comme en Palestine ou au Liban, c’est parce que les gens y défendent le monde et l’identité islamique. Pour l’Iran, le choix ne se pose pas : il faut les soutenir ». Il mettait ainsi l’accent sur l’islam, il aurait pu également parler des rivalités entre majorité sunnite et minorité chiite sinon, plus encore sans doute, des ambitions « plus classiques » des héritiers de la Perse face à celles des « tribus du désert » qu’ils regardent de haut.

Entre 2008 et 2018, rien n’a changé dans les ambitions de l’Iran, sinon peut-être l’essentiel : le contexte international et de manière presque mécanique à sa suite, le contexte régional. La nature a horreur du vide. L’échec des « Printemps arabes », la volonté contradictoire de transformation et de repli des États-Unis, accélérée par l’élection de Donald Trump, le retour des ambitions russes, le processus d’implosion de la région, la montée et l’expansion des mouvements terroristes, tout concourt à créer au Moyen-Orient ce qu’il serait tentant de décrire comme une nouvelle donne. Tout se passe comme si sous nos yeux se constituaient deux nouvelles alliances en pointillé. L’Iran, la Turquie, la Russie d’un côté, l’Arabie saoudite, Israël et les États-Unis de l’autre. Des alliances aussi fragiles et temporaires que pouvaient l’être les jeux des alliances dans l’Europe d’Ancien Régime lorsque se produisit en 1756 un fameux « renversement d’alliance » entre la France, l’Autriche et la Prusse qui fait encore le délice des spécialistes d’histoire diplomatique.

Une alliance, au moins tactique sinon stratégique, entre


Dominique Moïsi

Géopolitologue, Conseiller spécial de l’Institut Montaigne