Littérature

Écrire dans une époque de collisions

Écrivain

La crise sanitaire est-elle source de création littéraire ? Ou ne faut-il pas plutôt voir cette période comme un moment de « collisions », une chance pour une autre littérature non plus seulement documentaire, comme bon nombre de romans contemporains rédigés par des mains de chirurgiens, mais capable enfin de reconstituer tel quel le cours des choses, le mouvement de l’action avec une énergie qui prendrait de vitesse nos fantasmes d’apocalypse dont la plupart nous viennent quand même du cinéma ?

Je ne suis pas sûr que l’obligation de ces dernières semaines à « rester chez soi » et à « prendre soin de soi » ait favorisé la création littéraire. Certainement que ce long temps disponible a été propice à faire du yoga, de la barre au sol, du macramé, la cuisine, comme le dit mon ami José Eugenio Sanchez dans un beau poème, et c’est bien ainsi. Quant à l’écriture, au fait d’écrire, je ne sais pas. En effet, l’écrivain a besoin pour ça d’une solitude choisie et d’un égoïsme provisoire afin non pas de mettre à jour une langue particulière (la sienne) d’où surgirait des récits, mais de « booster » la langue collective dans laquelle nous baignons quotidiennement et qui fait de nous des animaux sociaux.

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C’est que la langue est vivante, fluctuante. Elle est un véritable champ de force où sans cesse le sens et le signe se téléscopent pour le meilleur quand les passions joyeuses y trouvent de quoi désirer, pour le pire quand les passions tristes nous dépossèdent de notre parole et nous poussent à l’autisme. Ce boost, qui est un terme qui s’apparente à la musique puisqu’il désigne l’augmentation d’un volume sonore, requiert de l’écrivain qu’il se soit mis en condition de percevoir avec beaucoup d’acuité son environnement et qu’il puisse le recycler à sa guise dans son écriture.

Ainsi, il me semble que ni cette solitude, ni cet égoïsme n’aient été compatibles avec cette période. Se protéger en restant à la maison et protéger son entourage de la pandémie en lui prêtant une attention de tous les instants est contraire à la nature casse-cou de l’écrivain dont « le » Descartes des Méditations et « le » Proust de La Recherche sont le portrait craché : le premier en échappant de peu à sa propre dissolution face à un dieu qui n’existe pas et auquel il ne croit pas ; et le second, menacé de finir bête face à une société qui n’existe qu’à se mettre en scène grotesquement dont il fait quand même la chronique dans un feuilleton haut en couleur. Voilà, l’écrivain est l’hom


[1] Reçu par SMS, le 7 mars 2020.

[2]  Mail du 30 avril 2020 intitulé «… tweet, Instagram, presse internationale », entretien avec Léonore Chastagner

Christophe Fiat

Écrivain, Poète

Rayonnages

Littérature

Notes

[1] Reçu par SMS, le 7 mars 2020.

[2]  Mail du 30 avril 2020 intitulé «… tweet, Instagram, presse internationale », entretien avec Léonore Chastagner