Pandémie : la modélisation en première ligne
Notre monde est gravement secoué. La modélisation, une des méthodes les plus modernes de la science, est mise en avant, au point que, dans un numéro récent, la revue Science titrait : « With COVID-19, modeling takes on life and death importance. Epidemic simulations shape national responses » (« Avec le Covid-19, la modélisation prend une importance capitale. Les simulations d’épidémies façonnent les réponses nationales[1] »). D’autres sujets de préoccupation font aussi appels à la modélisation. Pour beaucoup de scientifiques, la catastrophe climatique est presque certaine, ou du moins c’est ce qu’on leur fait dire, et c’est ce qu’indiquent les simulations d’évolution du système climatique. Même si des craintes du même ordre concernent la biodiversité, les modèles de sa dynamique restent frustes et peu prédictifs.
L’économie fait aussi largement appel à la modélisation depuis le XIXe siècle. Les travaux de Léon Walras restent symboliques et une référence majeure de la discipline, même s’ils furent critiqués dès le début, notamment par Henri Poincaré. Des scientifiques se mobilisent pour proposer d’autres schémas que ceux actuellement en cours, souvent justifiés sur la base de modèles théoriques, en étudiant et modélisant l’économie réelle. Utiles pour penser le monde, les modèles, efficaces dans beaucoup d’applications technologiques, sont entrés dans d’autres domaines, notamment le processus d’aide à la décision politique. Mais leur utilisation est-elle sans risques ?
Un peu d’histoire
Le mot modèle vient du monde des arts, c’est la figure à reproduire. Puis, un glissement sémantique a conduit à désigner la reproduction elle-même. Il devient un terme scientifique dans les années 1960-1970 ainsi que celui de modélisation, la méthode d’élaboration et d’utilisation des modèles. Le terme de loi entre alors partiellement en désuétude, cet autre glissement sémantique traduit un affaiblissement du concept : une loi est respectée dans l’absolu, le modèle, seul