Le monde est en train de gagner – et de perdre – la course au vaccin
Face à une pandémie qui a paralysé le monde, un vaccin a toujours paru la solution évidente. Un défi naturel exige un remède scientifique. Contrairement à la distanciation physique et au confinement, un vaccin semble simple et consensuel. En avant toute les labos, à fond les bioréacteurs, lancez la distribution de milliards de doses ! Dans quelques semaines nous devrions connaître les premiers résultats des essais cliniques décisifs de phase III concernant les vaccins candidats les plus prometteurs contre la Covid-19. Notre espoir est que tout vaccin efficace s’apparente à une boîte noire : un dispositif opérationnel que personne n’a besoin de reconsidérer ou d’inspecter de près, du moment qu’il fonctionne.

Or il s’avère que la fabrication et la distribution du vaccin peuvent résoudre un ensemble de problèmes politiques et économiques tout en en engendrant d’autres. Alors que nous pensions qu’une inoculation efficace serait un motif de réjouissance, elle pourrait en fait devenir un symbole de l’injustice mondiale et un déclencheur de griefs partout dans le monde.
Les contours des controverses à venir sont déjà perceptibles. Les États-Unis ont déclaré qu’ils ne participeront pas à l’initiative COVAX, parrainée par l’ONU, qui vise à développer conjointement et à distribuer équitablement des vaccins aux pays du monde entier ; selon Washington, le programme est trop dépendant de l’OMS, qu’il considère comme corrompue. Mais peut-on faire confiance aux gouvernements nationaux pour superviser par eux-mêmes la course au vaccin ? La Russie a pris les devants en approuvant un vaccin qui n’a pas encore fait ses preuves, espérant que les résultats des essais effectués rétrospectivement confirmeront son efficacité. (Résultats qui, jusqu’à présent, sont prometteurs.) La Chine a approuvé une première utilisation d’un vaccin dans les rangs de son armée, mais en l’absence d’une véritable épidémie active sur son territoire, elle effectue ses principaux essais au Brésil. Là-bas, le p