Mythologie iranienne contemporaine – sur Yalda la nuit du pardon de Massoud Bakhshi
Huis-clos hyper-réaliste, portrait de la société iranienne contemporaine, Yalda la nuit du pardon est autant un film-dispositif qu’un drame antique parachuté sur le plateau kitsch d’un show télé. Une mythologie iranienne d’aujourd’hui, où se mêlent le meurtre, le pardon et la spectacularisation télévisuelle : en Iran, une jeune femme de 22 ans, Maryam, est condamnée à mort pour avoir tué – accidentellement plaide-t-elle – son mari, un homme de 65 ans, père d’une de ses collègues de travail.
Cette dernière, Mona, est la seule à pouvoir paradoxalement sauver la jeune fille : en la pardonnant en direct devant des millions de téléspectateurs, à l’occasion d’une émission de téléréalité, rebaptisée (ironiquement) pour le film « Le plaisir du pardon ». Car c’est d’un programme télé véritablement existant – un des grands succès du mois du Ramadan en Iran – que le film de Massoud Bakhshi s’inspire ; une genèse non fictionnelle qui donne au film la densité d’une charge sociale et politique.
Pendant 1h29 de tension, le film scrute, en temps réel, le démarrage de l’émission de télé, sa progression, ses retournements incertains, jusqu’au jugement final. Une triple unité de lieu, de temps, d’action (souvent vue dans le cinéma iranien contemporain, dans Une séparation et À propos d’Elly d’Ashgar Faradhi notamment) qui condense le suspense et produit un effet de réel tel qu’on ne peut s’y soustraire – le film nous impliquant nous spectateurs dans l’inconfortable position de juge, tout en passant au vitriol cette justice populaire expéditive sur laquelle capitalise l’émission de télé et à laquelle semble croire la société iranienne dans son ensemble, au vu de sa participation massive au délibéré.
Car c’est le principe de l’émission : invité à voter par SMS pour ou contre le pardon de Maryam, le public dessine par son vote une certaine tendance, mais surtout une cagnotte – explicitement nommée le « prix du sang » – qui sera reversée à la fille du défunt, Mona, dans le cas