Terrorisme

Radicalité islamiste : sur quelques dichotomies reçues

Sociologue

Pour combattre la radicalisation, il faut d’abord en comprendre les mécanismes. Et donc refuser de choisir entre des explications simplistes qui s’opposent termes à termes : causes politiques contre causes religieuses, facteurs économico-sociaux contre facteurs identitaires, salafisme ou nihilisme… Revue de détail de quelques unes de ces fausses dichotomies qui empêchent de saisir la complexité du réel et corrompent le débat.

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Les catégories mises en avant par les chercheurs au sujet du jihadisme sont soumises à une double épreuve : d’abord, celle de la pertinence théorique et empirique au regard des faits ; ensuite, celle d’une opinion publique en désarroi et qui demande, au nom de l’exorcisme d’un mal plus ou moins imaginaire, une vision transparente d’une réalité complexe dont la forme la plus achevée (et la plus caricaturale) est donnée dans des dichotomies aisées à comprendre. Les chercheurs, surtout en sciences sociales mais aussi dans une moindre mesure dans les sciences naturelles, sont soumis à cette injonction de la transparence qui revêt une fonction en l’occurrence mythique  : celle de neutraliser le mal en proposant une conception manichéenne du réel. Les chercheurs peuvent résister à ce type d’injonction sociale et médiatique, mais le prix à payer est souvent trop lourd : le renoncement à la complexité d’une réalité qui ne se soumet pas aisément aux injonctions dichotomiques d’une limpidité mythologique.

J’ai choisi quelques-unes de ces dichotomies pour en dénoncer le caractère simpliste et la fausse transparence qui opère comme un obstacle épistémologique dans le sens de Bachelard pour expliquer le réel dans sa complexité.

La seule islamisation de la radicalité ne suffit pas pour justifier l’acte ultime de suppression de soi et des autres.

La première dichotomie est celle qui oppose la radicalisation de l’islam et l’islamisation de la radicalité. On peut certes prétendre que dans certaines situations une dimension prévaut sur l’autre, mais dans la réalité c’est l’articulation de ces deux notions qui est pertinente. On peut partir de l’islamisation de la radicalité et ensuite déboucher sur la radicalisation de l’islam. Tel est le cas en France pour de nombreux jeunes originaires des banlieues, qui ont d’abord sacralisé au nom d’un islam imaginaire leur haine de la société en lui donnant un contenu djihadiste. Mais par la suite, ils se sont souvent lancés dans la q


Farhad Khosrokhavar

Sociologue, Directeur de l’Observatoire de la radicalisation à la Maison des sciences de l’homme

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