Deux tentatives
L’appartement (intervenant sans y avoir été invité) : Que fais-tu ? Que crois-tu expliquer ? C’est moi qui ai décidé, moi qui m’ennuyais aussi morne qu’une mer intérieure le jeudi à 13 heures, à attendre le verdict du jour – pluie contre les vitres ou pas, une sonnerie peut-être ?, tu parles d’une affaire. C’est moi qui attendais qu’entre mes murs retentissent en journée d’autres sons que le tic-tac de l’horloge, les craquements du parquet, le souffle du réfrigérateur. C’est moi qui vous ai fait venir, ne t’y trompe pas.
L’enfant (plus une enfant) : Toujours là à jacasser quand ce n’est pas le moment, laisse-la parler. J’ai demandé des explications. Elle essaie.
La mère, une tentative :
Allons-y, alors, faisons comme si je savais, comme si j’avais la moindre idée de ce qui s’est produit. Je vais même essayer de procéder dans l’ordre, faire comme s’il y en avait eu un, comme si nous n’avions pas été pris de court, comme tout le monde, tout simplement pris de court. La première chose qui me vient, si je repense à cette période, aux mois qui ont précédé le confinement, la première chose qui me vient, la première chose que je suis obligée de te dire, c’est que j’avais déjà disparu. Quelques mois avant nos corps entre les murs, nos corps sous les plafonds, sur les parquets, nos corps sans jardin ni vent, quelques mois avant que nos rêves se peuplent de canopées et d’océans, de fauves, de reptiles et de lianes, quelques mois avant notre tête-à-tête-à-tête-à-tête dans le trois-pièces et la première phrase de notre longue conversation, quelques mois avant, à peine, j’avais remarqué un phénomène qui, dès que je l’ai identifié, m’a paru m’avoir en réalité toujours accompagnée. On m’a beaucoup conseillé à l’époque de ne pas en parler. C’est loin maintenant, mais puisque tu mènes l’enquête, je vais tâcher d’être précise car je crois que cela a compté – pas de manière cruciale, plutôt à la façon d’une pichenette. Voici ce que j’avais remarqué depuis peu lorsque nous nous sommes