Littérature

Une autobiographie probable – sur Par instants la vie n’est pas sûre de Robert Bober

Philosophe et auteure

Ecrire un livre de souvenirs, c’est toujours prendre le risque d’une certaine complaisance à l’égard de son passé. Rien de cela dans Par instants, la vie n’est pas sûre que Robert Bober adresse à Pierre Dumayet sous la forme d’une lettre à un ami disparu. On y croise aussi Georges Perec, avec qui Bober cinéaste avait filmé Ellis Island. Retraçant son itinéraire d’autodidacte, confiant combien il lui fallut s’autoriser pour écrire, l’auteur manie une langue juste, d’une simplicité parfois déroutante, et d’une grande beauté.

Par instants, la vie n’est pas sûre est un livre de souvenirs, écrit sous la forme d’une lettre à un ami disparu, Pierre Dumayet. Mais c’est aussi un livre qui interroge ces trois mots, « livre de souvenirs » : comment faire un livre quand on a cru une partie de sa vie qu’on n’était pas écrivain ? Comment tisser des souvenirs qui tantôt se bousculent, tantôt fuient et nous égarent ?

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Quelques jours avant que le confinement soit décrété, au printemps dernier, je suis allée dans une librairie. Je n’avais pas tout à fait prévu d’y faire « des réserves », mais dans l’air planait déjà la menace que tout allait fermer – ce fut un prétexte pour acheter plusieurs livres. Au comptoir au moment de payer, j’ai aperçu une gondole qui présentait quelques formats poches, ceux de ces livres qui ne coûtent pas trop cher et que vous êtes donc invités à ajouter au dernier moment. Il y avait l’édition de poche d’Ellis Island de Georges Perec. La couverture montre la photographie d’un homme, une femme et un enfant de dos, regardant la statue de la liberté, loin devant eux.

L’image m’a troublée : le bras levé de la statue tenant sa torche se trouve pile au milieu des silhouettes des deux parents, dans l’alignement millimétrique de la casquette de l’enfant. J’ai ajouté le petit livre à ma pile. Je ne savais pas que cette image avait été filmée par Robert Bober. Je connaissais bien certains de ses films ainsi que son roman, Quoi de neuf sur la guerre, je connaissais aussi son histoire d’enfant caché, mais je n’avais que vaguement en tête qu’Ellis Island était d’abord un film qu’il avait fait avec Perec à New York, à la toute fin des années 1970. Cette édition de poche donne à lire le texte que Perec avait écrit en guise de voix off. J’ai vu le film juste après.

Par instants, la vie n’est pas sûre est paru juste avant le couvre-feu. Et je l’ai lu peu de temps après Ellis Island. Si je me permets de faire ici mention de ce contexte, ou paysage de lecture (chaque livre qu’on lit n’


Léa Veinstein

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