Société

La France et sa justice : à quand la fin des hostilités ?

Président de chambre honoraire à la cour d’appel de Paris

Le procès dit des « écoutes » reprend ce lundi 30 novembre. L’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, son avocat Thierry Herzog et l’ex haut-magistrat Gilbert Azibert sont sur le banc des accusés pour tentative de corruption et trafic d’influence. Un procès historique dans une affaire où l’indépendance de la justice est en cause, mais qui illustre aussi l’évolution récente et la montée en puissance d’une magistrature autrefois considérée comme inoffensive. Il existe donc des raisons de ne pas désespérer de trouver un jour en France l’équilibre institutionnel permettant au juge de jouer pleinement et sereinement son rôle.

En 1975, dans sa fameuse « Harangue à des magistrats qui débutent » (qui lui valut des poursuites disciplinaires), le substitut Oswald Baudot écrivait à ses collègues nouvellement installés : « En entrant dans la magistrature, vous êtes devenus des fonctionnaires d’un rang modeste. (…) On vous a dotés d’un pouvoir médiocre : celui de mettre en prison. On ne vous le donne que parce qu’il est généralement inoffensif. Quand vous infligerez cinq ans de prison au voleur de bicyclette, vous ne dérangerez personne ».

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Près d’un demi siècle plus tard, le paysage a changé. Deux anciens présidents de la République ont été appelés à rendre des comptes devant la justice. Jacques Chirac est condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis pour détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d’intérêts. Nicolas Sarkozy est à deux reprises placé en garde à vue, avant d’être mis en examen d’une part pour corruption active, trafic d’influence et recel de violation du secret professionnel (affaire Azibert), d’autre part pour financement illégal de campagne électorale (Affaire Bygmalion), enfin pour corruption passive, financement illicite de campagne électorale, recel de détournement de fonds publics et association de malfaiteurs  (Affaire du financement libyen). Il est placé sous contrôle judiciaire. Quant à François Fillon, ancien Premier ministre et candidat à l’élection présidentielle, il est condamné à cinq ans de prison, dont deux ferme et dix ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics et complicité de recel d’abus de biens sociaux.

Et la liste n’est pas exhaustive… Dans une telle situation, qui pourrait sérieusement soutenir que les magistrats sont encore des « fonctionnaires d’un rang modeste, dotés d’un pouvoir médiocre, généralement inoffensif » ?… Que s’est-il passé dans l’intervalle ? Pour le comprendre, il faut d’abord rappeler d’où nous venons (en se limitant aux périodes moderne et contemporaine).

Un lourd passé

Au XVIIe siècle


[1] Fabrice Hourquebie, « Où en est-on de la consécration du pouvoir juridictionnel sous la Ve République ? », Revue Politique et Parlementaire n°1085-1086, juillet 2018.

[2] Voir le rapport de la Commission « La mise en état des affaires pénales », 1991.

[3] Louis Joinet, Mes raisons d’Etat, La Découverte, 2013, p. 50.

Marcel Lemonde

Président de chambre honoraire à la cour d’appel de Paris

Notes

[1] Fabrice Hourquebie, « Où en est-on de la consécration du pouvoir juridictionnel sous la Ve République ? », Revue Politique et Parlementaire n°1085-1086, juillet 2018.

[2] Voir le rapport de la Commission « La mise en état des affaires pénales », 1991.

[3] Louis Joinet, Mes raisons d’Etat, La Découverte, 2013, p. 50.