Politique

Enseignements de Kanaky-Nouvelle-Calédonie : la force de la contre-histoire

Enseignant, Ancien vice-président de la Ligue des droits de l’homme en Nouvelle-Calédonie

Depuis une semaine, de très importantes tensions marquent le territoire de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Deux mois après un référendum marqué par la poussée indépendantiste, la question de la « nationalisation de la ressource Nickel » surgit dans le débat et rappelle toute la complexité d’un processus d’indépendance qui apparaît aujourd’hui irrésistible. Le spectre de la violence réveille toujours sur l’île le souvenir des « événements » (1984-1988) : comprendre ce qu’il se passe, c’est revenir aux sources de la violence de la colonisation et la manière dont elle s’est transformée.

Le 4 octobre dernier, les citoyens de Kanaky-Nouvelle-Calédonie se sont prononcés dans le cadre d’un processus démocratique unique dans l’histoire des décolonisations. En 2018, lors d’un premier référendum qui constituait la première étape d’une phase de consultation sur l’autodétermination, le pays avait vu la victoire du « Non » (53,7%) en même temps qu’une poussée inattendue du vote favorable à l’indépendance (43,3%). Deux ans plus tard, à l’issue d’une campagne dont les derniers jours ont donné le sentiment de la possibilité d’un basculement pour le « Oui », le « Non » l’a emporté avec 9970 voix d’avance, soit un écart réduit de moitié par rapport au précédent référendum.

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Ce résultat, issu d’une impressionnante participation (85,7 %), est à appréhender d’un point de vue dynamique : la dimension qui semble aujourd’hui inéluctable de l’indépendance à court ou moyen terme, l’est d’autant plus qu’une telle situation était encore très improbable il y a 2 ans. Cet effet de surprise explique sans doute le ton inquiet qui domine parmi les commentaires et analyses (sur l’archipel comme en métropole), construisant le récit d’un contexte « bloqué » qui masque un processus historique dont chaque étape nous révèle au contraire un indéniable cheminement.

Le « vide » de cette situation présentée comme figée, qui inquiète tant, ne s’avère pas si vide que cela ou plutôt, il semble avoir été investi positivement par l’intention politique d’un peuple qui, d’une certaine manière, a bien repris la main sur le cours des choses après plus de 150 ans de colonisation.

S’il fallait une seule illustration de ce cheminement inexorable vers l’indépendance, dès le lendemain de l’annonce des résultats de la consultation du 4 octobre, l’un des partis historiques et jusqu’à récemment les plus influent du camp loyaliste, « Calédonie Ensemble », s’est prononcé publiquement pour « Construire un OUI COLLECTIF en conjuguant « Souveraineté » et « République » ».

Il s’agit d’interroger, à


[1] Etienne Balibar reprend la définition du partage que Foucault propose dans son Histoire de la folie à l’âge classique, Gallimard, 1972.

[2] Etienne Balibar, Histoire interminable. D’un siècle l’autre. Écrits I, La Découverte, 2020.

[3] Daho Djerbal, « De la difficile écriture de l’histoire d’une société (dé)colonisée. Interférence des niveaux d’historicité et d’individualité historique », NAQD, hors-série n°3, 2014.

[4] Nous reprenons ici notamment les travaux d’Elsa Dorlin dans son ouvrage Se défendre. Une philosophie de la violence, La découverte, 2017.

[5] Alban Bensa, « Nouvelle-Calédonie, L’accession à une pleine souveraineté est inéluctable », entretien donné à France Culture le 5 octobre 2020.

[6] Voir à ce titre l’article « En Nouvelle-Calédonie, les membres d’une tribu « bannis » de l’île de Maré, après une expédition punitive » publié dans Le Monde le 16 novembre 2020 ; et l’article « Après les violences à Belep, sanctions, et réactions » publié sur le site de France Info le 26 mai 2020.

[7] Etienne Balibar, Histoire interminable. D’un siècle l’autre. Écrits I.

[8] Etienne Balibar, Histoire interminable. D’un siècle l’autre. Écrits I.

Ulysse Rabaté

Enseignant, Président de l'association Quidam pour l'enseignement populaire, Ex-Conseiller municipal de Corbeil-Essonnes

Pascal Hebert

Ancien vice-président de la Ligue des droits de l’homme en Nouvelle-Calédonie

Notes

[1] Etienne Balibar reprend la définition du partage que Foucault propose dans son Histoire de la folie à l’âge classique, Gallimard, 1972.

[2] Etienne Balibar, Histoire interminable. D’un siècle l’autre. Écrits I, La Découverte, 2020.

[3] Daho Djerbal, « De la difficile écriture de l’histoire d’une société (dé)colonisée. Interférence des niveaux d’historicité et d’individualité historique », NAQD, hors-série n°3, 2014.

[4] Nous reprenons ici notamment les travaux d’Elsa Dorlin dans son ouvrage Se défendre. Une philosophie de la violence, La découverte, 2017.

[5] Alban Bensa, « Nouvelle-Calédonie, L’accession à une pleine souveraineté est inéluctable », entretien donné à France Culture le 5 octobre 2020.

[6] Voir à ce titre l’article « En Nouvelle-Calédonie, les membres d’une tribu « bannis » de l’île de Maré, après une expédition punitive » publié dans Le Monde le 16 novembre 2020 ; et l’article « Après les violences à Belep, sanctions, et réactions » publié sur le site de France Info le 26 mai 2020.

[7] Etienne Balibar, Histoire interminable. D’un siècle l’autre. Écrits I.

[8] Etienne Balibar, Histoire interminable. D’un siècle l’autre. Écrits I.