0-, 1- complotisme : mise en scène et montage de la peur
Je veux retrouver la phrase exacte. Je me souviens que Jean Castex, dans son intervention au journal télévisé, parlait d’ennemi invisible à propos du terrorisme. L’expression m’a frappé, parce que le président Macron l’employait aussi au printemps dernier pour qualifier le coronavirus qui nous frappe: « Nous sommes en guerre – disait-il – contre un ennemi invisible … ce virus ». Il marquait un temps d’arrêt, hésitant sur la nature de l’ennemi invisible, comme si celle-ci restait toujours à spécifier et n’importait pas beaucoup.
Six mois ont passé, un peu plus. La pandémie a connu un pic, puis s’est ralentie, puis a repris de la force, c’est la deuxième vague que nous attendions, nous sommes toujours en guerre, en guerre contre un ennemi invisible, qui n’est plus, ou plus seulement, le virus. Quel sens donner à cette métamorphose ou ce dédoublement ? Comment opère l’ennemi invisible qui pénètre ainsi dans notre monde familier ?
Chacun se souvient du plan de Psychose, le film d’Alfred Hitchcock, quand Janet Leigh est assassinée dans sa douche. La caméra entre dans la salle de bain, prenant le point de vue de l’assassin puis, lorsque le rideau de douche est tiré, se fixe sur le visage de la femme, qui voit ce que nous ne voyons pas : elle crie. L’assassin nous reste invisible. Certes, c’est une mise en scène destinée à nous faire peur. Hitchcock aurait pu finalement insérer un plan avec le visage, ou la silhouette, de Norman Bates, armé d’un couteau. La scène aurait été entièrement différente.
La nouvelle de Maupassant Le Horla, fait également intervenir un ennemi invisible. Le narrateur est poursuivi par un être mystérieux, venu de l’étranger. Ce serait un bateau, en provenance du Brésil, qui l’aurait amené. Il est invisible. Il est insaisissable bien qu’il puisse lui-même prendre un verre de lait et le boire. Il conduit au suicide le narrateur, qui, après avoir mis le feu à sa maison, voit dans sa propre mort, la seule façon d’échapper au Horla. Le Horla n