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Opérations policières à Rio : létalité policière et statactivisme

Sociologue , Sociologue, Sociologue

Au Brésil, les violences policières tuent chaque année environ 6000 personnes, dont environ un quart dans les favelas de Rio de Janeiro. Faute de chiffres officiels, le phénomène reste toutefois difficile à appréhender : dans quelles situations, combien de personnes exactement, où la police tue-t-elle ? La production de statistiques est devenu un enjeu politique, et le statactivisme une forme commune de résistance pour les ONG et les chercheurs brésiliens.

Pas un jour ne passe, pour ainsi dire, sans que nous apprenions que la police de Rio de Janeiro a mené un raid meurtrier dans les favelas. Des opérations qui se font souvent à bord de véhicules blindés – les redoutables « caveirão » – et parfois assistés d’hélicoptère – le « caveirão volant », encore plus redouté – également utilisé comme plateforme de tir. Dans la plupart de ces opérations les fusillades font des morts, à quoi s’ajoutent les écoles et les centres de santé qui cessent de fonctionner, les habitants des favelas empêchés d’aller au travail, des familles entières obligées de s’allonger sur le sol de leurs maisons pour éviter les balles perdues.

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Si une partie des opérations aboutit à l’arrestation de suspects et/ou à la saisie de drogues, d’armes, d’argent, de biens volés, etc., c’est au prix de la vie et de la perturbation du quotidien dans les localités touchées. Malgré une intense mobilisation des habitants des favelas pour dénoncer les abus, les autorités affirment qu’il n’est pas possible de lutter contre la criminalité sans mener ce type d’opérations.

Mais si les descentes de police dans les favelas sont considérées par les politiques comme inévitables pour garantir la sécurité publique à Rio de Janeiro, nous devrions au moins être en mesure de les évaluer. Combien d’opérations policières dans les favelas sont menées ? Par quelles forces ? Où ? Par quoi ces opérations sont-elles motivées ? Quels en sont les résultats ? Pourtant, les institutions policières elles-mêmes ne sont pas en mesure de dire combien d’opérations ont été menées et encore moins la raison pour laquelle elles l’ont été, ni quels en ont été les résultats.

Bien que ce type d’opération mobilise des dizaines de policiers armés de fusils, dans des véhicules blindés, et provoquent des coups de feu dans des territoires à forte densité de population, les relevés d’activité policière produits sont les mêmes que ceux pour tout autre événement. L’Institut de Sécurité Publique (IS


[1] Voir le site de l’Observatoire des homicides de l’Instituto Igarapé.

[2] Isabelle Bruno, Emmanuel Didier et Julien Prévieux, Statactivisme : comment lutter avec les nombres, La Découverte, 2014.

[3] Daniel Hirata, Maria Isabel Couto, Carolina Grillo et Cecilia Olliveira, « Échange de tirs : la production de données sur la violence armée dans des opérations de police à Rio de Janeiro. », Statistique et société, Volume 7, n°1, 2019.

[4] Pierre Dardot, Pierre Sauvêtre et Christian Laval, « Le néolibéralisme autoritaire au miroir du Brésil », Sens public, juin 2020.

Daniel Hirata

Sociologue

Carolina Christoph Grillo

Sociologue

Renato Dirk

Sociologue

Notes

[1] Voir le site de l’Observatoire des homicides de l’Instituto Igarapé.

[2] Isabelle Bruno, Emmanuel Didier et Julien Prévieux, Statactivisme : comment lutter avec les nombres, La Découverte, 2014.

[3] Daniel Hirata, Maria Isabel Couto, Carolina Grillo et Cecilia Olliveira, « Échange de tirs : la production de données sur la violence armée dans des opérations de police à Rio de Janeiro. », Statistique et société, Volume 7, n°1, 2019.

[4] Pierre Dardot, Pierre Sauvêtre et Christian Laval, « Le néolibéralisme autoritaire au miroir du Brésil », Sens public, juin 2020.