Le Monde chez soi ou comment les objets nous rapprochent
Considérez ce paradoxe du confinement : d’une part, le plus ancien moyen de connaissance du monde – le voyage – est aujourd’hui extraordinairement contraint ; d’autre part, le monde est plus que jamais l’objet de toutes nos attentions, dans la mesure où le mal qui se trouve à l’origine de notre immobilité forcée – la pandémie – est mondial.
On songe au Voyage autour de ma chambre, publié en 1794, que le lieutenant Xavier de Maistre écrivit lorsqu’il était aux arrêts. Le livre délivrait une petite leçon de philosophie en demandant à son lecteur « d’être satisfait de lui, s’il parvient à faire voyager son âme toute seule ». De Maistre décrivait chacun des objets qui l’entourait, s’interrogeant sur leur signification, sur leur usage, sur leur histoire – et se servait d’eux pour engager un voyage imaginaire sur les grands chemins du monde.
Nous faisons souvent de même. En jetant nos masques prophylactiques après chaque utilisation ou au contraire en les conservant soigneusement pour les réemployer, nous nous remémorons les débats qui ont accompagné le constat de leur pénurie sur le territoire français. Plus de la moitié de la production mondiale de masques vient de Chine. Cela ne nous étonne plus. Nous savons qu’une grande partie des objets qui nous entourent sont aujourd’hui produits très loin de la France – à « l’autre bout du monde » –, souvent en Asie. Nous ne nous déplaçons pas beaucoup ces jours-ci, en tout cas pas très loin, mais nous savons que les objets, eux, oui.
Mais savons-nous que c’est bien moins récent que nous le croyons généralement – ou, en tout cas, que le répètent ceux qui pensent que la « globalisation » est née dans le dernier quart du XXe siècle, au moment où, justement, une grande partie de nos objets quotidiens se sont mis à être produits massivement en Asie ?
Le fil comme le masque démontrent l’extrême complexité de la circulation des objets.
Ainsi ce fameux masque, composé de couches de coton attachées par un élastique. L’historien