Politique culturelle

Car auteur, c’est aussi un métier

Écrivaine

L’auteur « produit sans cesse, il rapporte des jouissances et met en œuvre des capitaux ; il fait tourner des usines », écrivait Balzac. Un écrivain est un acteur économique à part entière faisant travailler toute la chaîne du livre. Les réformes fiscales et sociales en cours risquent-elles d’accroître la précarisation des auteurs ? C’est ce sur quoi se penche le premier volet des États généraux du livre, organisés aujourd’hui par le Conseil permanent des écrivains à la Maison de la poésie de Paris.

En général, quand on répond « écrivain » à la question : « quel est votre métier ? », il y a deux réactions possibles. Les yeux s’écarquillent et votre interlocuteur vous scrute avec une certaine curiosité à la recherche de signes manifestant votre appartenance à une espèce un peu différente, comme si vous veniez de vous matérialiser d’un livre, voire carrément de l’histoire littéraire. Ou bien, il enchaîne, pragmatique : « Mais sinon, vous faites quoi pour gagner votre vie ? » Dans les deux cas, l’écriture n’est pas assimilée à une activité économique ; tout du moins pour celui qui en est le producteur.

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Plusieurs raisons à cela, à mon sens. Tout d’abord, l’écriture, tout le monde l’utilise tous les jours, à tous moments, mais certains en font un art imprimé à un certain nombre d’exemplaires disponibles dans le commerce ; et une activité principale et/ou continue, tout au long de leur vie. C’est donc plus mystérieux encore, que la sculpture, par exemple, car paradoxalement, l’écriture utilise un matériau à la portée de tous. Il y a comme une sorte d’alchimie difficile à saisir – parfois pour les praticiens eux-mêmes aussi. Et puis on peut prendre tellement de plaisir à lire un livre, qu’on s’imagine que ce n’est que du plaisir d’en écrire. Ces gens-là s’amusent, d’ailleurs, ils sont souriants dans les salons, on les entend souvent à la radio, on les voit en photo dans les journaux, à la télévision… C’est une activité enviable.

« Parlons donc capital, parlons argent ! Matérialisons, chiffrons la pensée » (Balzac)

Certains auteurs eux-mêmes peuvent avoir du mal à présenter leur activité d’écriture comme un métier car ils font partie de la grande majorité – 98 % d’après Bernard Lahire (La Condition littéraire, la double vie des écrivains) – qui en ont un autre. Ceux-là précèdent la seconde question du fameux interlocuteur, disent « j’écris des livres » au lieu de « je suis écrivain », citent cette activité en second ; voire pas du tout. Il peut y avoir plusi


Laure Limongi

Écrivaine, Éditrice et enseignante en création littéraire (Master de création littéraire de l’école d’art et l’université du Havre)