Djian, comme à l’aube de son écriture
Le nouveau roman de Philippe Djian n’a pas pour dessein de nous plonger dans la perplexité ou dans l’inattendu, certes. Car Djian excelle de plus en plus à faire du Djian. Rien n’est usé dans son imaginaire et la trouvaille avance toujours plus loin, toujours plus beau, dans le dépouillement. Tout résonne merveilleusement et les motifs reviennent, des obsessions ou des entêtements.
A la mort accidentelle de ses parents, des activistes convaincus, Joan rentre à la maison qu’elle a quittée, fâchée, depuis des années. Elle revient vivre auprès de Marlon, son jeune frère mentalement fragile, organisant sa vie et ses relations autour de leur bien-être commun. On apprend par touches successives, et dans les méandres des ellipses que l’auteur affectionne et cisèle toujours davantage, qu’elle travaille comme call-girl pour son amie Dora, qu’elle trouve un butin caché par son père, qu’elle est impliquée dans la disparition de personnages gênants, qu’elle est déterminée, impulsive et dérangée, que son frère est autiste…
Dans les béances volontaires du récit, toutes les péripéties sont possibles, tous les chemins narratifs convaincants. Les fils des générations se croisent, les idéaux, les abandons, non-dits mais sous-jacents. Tout comme le meurtre, toujours implicite, pesamment présent mais échappant jusqu’à la fin aux mots. Ces mots sont savamment choisis, précis, efficaces, sans fioritures du tout, suivant en cela l’idéal d’écriture de Raymond Carver, l’une de ses ardoises. Philippe Djian manie ses mots, et le lecteur les suit comme le cours d’une rivière ; il les découvre soumis aux exigences du personnel romanesque, directs et assurés lorsqu’il est question de Joan, simples et enfantins dans le monde de Marlon. Et la phrase suit, cadencée et polyvalente, vivante et naturelle tout simplement. Une phrase ce n’est presque rien, aime à répéter l’auteur, mais ce qu’il faut c’est que cette phrase appelle une autre phrase, ce qu’il faut, c’est tenir le rythme. Et le