Musique

Lana Feminism ou les rêves de Lana Del Rey – de « Video Games » à « Chemtrails over the Country Club »

Sociologue du théâtre

Ces dernières semaines, Lana Del Rey a fait le buzz avec son nouveau single et clip « Chemtrails over the Country Club », mais aussi avec un commentaire malencontreux sur les personnes de couleur – elle qui a par ailleurs souvent été accusée d’antiféminisme. Alors est-il possible de revendiquer un féminisme intersectionnel et d’aimer Lana Del Rey ? Oui. Celle-ci trace même, d’album en album, un chemin vers l’empowerment. Un chemin sinueux et broussailleux, plein d’impasses et d’embûches, certes. Mais, paradoxalement, c’est ce qui fait sa force.

Le 11 janvier 2021, Lana Del Rey a sorti un nouveau single et son clip, « Chemtrails over the Country Club[1] ». Le buzz a été d’autant plus grand que la chanteuse en a profité pour annoncer la sortie de son septième album attendu avec impatience depuis plus d’un an, et en a dévoilé la pochette et la tracklist (dont cette chanson-titre). Mais aussitôt, un autre buzz a suivi, négatif celui-là.

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En cause, un commentaire plus que malencontreux de la chanteuse, qui a cru bon de justifier son choix de faire figurer des personnes non blanches sur la pochette de l’album :

« Je voulais dire, avec tout ce qui s’est passé cette année ! Non, ce n’était pas calculé, ce sont mes meilleures amies… Puisque vous posez la question, à propos de ces amies géniales et de cette pochette, oui, il se trouve qu’il y a des personnes de couleur sur cette pochette, et c’est tout ce que je dirais sur le sujet, merci. […] Ce sont mes amies, c’est ma vie. Nous sommes un beau mélange de tout, certaines le sont plus que d’autres, et je rends cela visible et je le célèbre dans tout ce que je fais. En 11 années de travail, j’ai toujours été extrêmement inclusive, sans même chercher à l’être. Mes meilleurs amis sont des rappeurs, mes petits copains ont été des rappeurs. Mes amis les plus chers viennent des quatre coins du monde, donc avant que vous fassiez encore des commentaires sur le sujet des femmes de couleur/personnes de couleur à mon propos… je ne suis pas celle qui prend d’assaut le Capitole, je suis littéralement en train de changer le monde en mettant ma vie, mes pensées et mon amour sur la table dans mes chansons, 24h sur 24h, 7 jours sur 7. Alors, respectez ça. »

Comme il fallait s’y attendre, l’argument « je ne suis pas raciste, la preuve j’ai des amis de couleur » a été pour le moins contreproductif. Le plus regrettable est que la chanteuse cherchait, avec ce post confus et alambiqué, entre autojustification et agressivité, à répondre à une polémique antérieure. Dans un autre


[1] La chanson a été coécrite par Lana Del Rey et Jack Antonoff et le clip a été réalisé par BRTHR.

[2] Sur cette notion, voir Emilie Notéris, « Pour un regard féministe », Débordements, 20 février 2020, Iris Brey, Le Regard féminin, Paris, L’Olivier, 2020 et Bérénice Hamidi-Kim, « Male gaze vs female gaze, théâtre public vs séries télévisées ? », dans Raphaëlle Doyon et Pierre Katuszewski, Genre et arts vivants, revue Horizons/Théâtre, n°10-11, Presses de l’Université de Bordeaux, 2018, p. 321-337.

Bérénice Hamidi

Sociologue du théâtre, professeure en études théâtrales à l'Université Lyon 2 et membre de l'Institut Universitaire de France

Mots-clés

Féminisme

Notes

[1] La chanson a été coécrite par Lana Del Rey et Jack Antonoff et le clip a été réalisé par BRTHR.

[2] Sur cette notion, voir Emilie Notéris, « Pour un regard féministe », Débordements, 20 février 2020, Iris Brey, Le Regard féminin, Paris, L’Olivier, 2020 et Bérénice Hamidi-Kim, « Male gaze vs female gaze, théâtre public vs séries télévisées ? », dans Raphaëlle Doyon et Pierre Katuszewski, Genre et arts vivants, revue Horizons/Théâtre, n°10-11, Presses de l’Université de Bordeaux, 2018, p. 321-337.