Quelle économie morale des produits pharmaceutiques voulons-nous ?
Le 17 décembre 2020, la secrétaire d’État belge au Budget, Eva De Bleeker, tweetait un tableau révélant le prix de plusieurs vaccins achetés par l’Union Européenne pour le compte des États membres. On apprenait ainsi que les vaccins de AstraZeneca, Jonhson&Jonhson, Sanofi/GSK, BioNTech/Pfizer, Curevac, Moderna étaient achetés de moins de deux euros à plus de quinze euros par dose selon le vaccin.
En Europe, le tweet s’est répandu comme une trainée de poudre sur les listes de mails des activistes engagés pour l’accès aux médicaments, et qui depuis des mois réclamaient de l’information sur les prix négociés avec les firmes. Eva De Bleeker, nouvellement en fonction comme secrétaire d’État, avait sans doute pensé que communiquer ces prix et faire preuve de transparence était la chose la plus normale et attendue.
C’est aussi ce qu’on pourrait imaginer si l’on considère la façon dont la santé publique est généralement appréhendée par le sens commun en Europe : un droit, une nécessité, une garantie donnée par l’État souverain à ses citoyens. Le fait que la recherche des vaccins, leur développement et leur production aient été massivement financés par de l’argent public[1] pourrait à lui seul également justifier que les informations concernant les financements, les coûts ou les prix des vaccins soient publics. Pourtant, ce tweet a instantanément valu à Eva De Bleeker une avalanche de critiques.
Pourquoi cela ? Parce qu’en communiquant ces prix, la secrétaire d’Etat au Budget avait révélé un « secret commercial sensible ». Tandis que le quotidien De Standaard titrait sur sa « lourde erreur politique », elle reconnaissait une erreur de la part de l’équipe de communication et retirait le tweet dans l’heure. De son côté la Commission européenne confirmait que les prix étaient confidentiels – selon les termes des accords qu’elle avait passés avec les firmes.
Ainsi, s’il est possible, en recoupant les informations transmises par les journaux, de savoir environ combien