Littérature et vérité
La question du rapport de la littérature à la vérité a surgi dans divers débats et polémiques récents, de Yoga d’Emmanuel Carrère à Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo. Or, trop souvent dans ces débats, ce rapport est réduit à la véracité des faits. La relation entre littérature et vérité se situe cependant à d’autres niveaux comme la causalité, la probabilité, la typicalité, l’exemplarité dans la narration d’actions humaines et d’événements naturels ou historiques – qu’ils aient eu lieu ou non, qu’ils comportent des éléments fictionnels ou non –, dans la description de milieux sociaux et dans l’analyse de la psychologie individuelle – que les personnages soient réels ou imaginés. On peut distinguer trois modalités de rapport à la vérité, dont il existe aussi des formes hybrides : la vraisemblance fictionnelle, le témoignage, la sincérité dans le récit de soi.
Vraisemblance de la fiction
La vraisemblance caractérise une large gamme de récits fictionnels, et constitue une convention du genre romanesque, à tel point que la science-fiction ou le fantastique, qui y dérogent, sont classés en sous-genres distincts. Suivant la poétique aristotélicienne, « le rôle du poète est de dire non pas ce qui a eu lieu réellement, mais ce qui pourrait avoir lieu dans l’ordre du vraisemblable et du nécessaire », ce en quoi il se différencie du chroniqueur. La vraisemblance est donc étroitement liée à la notion de probabilité. En logique modale, elle est formalisée à travers le concept de mondes possibles. La vraisemblance repose sur la crédulité, l’adhésion des lectrices, ou plutôt, si l’on suit Coleridge, sur la suspension volontaire de l’incrédulité : on fait « comme si » c’était vrai. Bourdieu a proposé l’expression d’« effet de croyance » au lieu de celle d’« effet de réel » forgée par Barthes.
Ce « comme si » dépend toutefois de conventions génériques, de la plausibilité interne du récit selon les normes propres à une époque, de sa plausibilité selon les loi