Santé

Réflexions sur la vaccination des soignants et son obligation

Anthropologue

Les infections nosocomiales – contractées au cours d’un séjour à l’hôpital – n’ont pas toujours été perçues comme un problème public. Si l’épidémie de Covid-19 a posé la question à nouveaux frais, ce sont les outils du New Public Management qui ont fait de leur prévention le fer de lance d’une nouvelle éthique de soin. Avant de trancher la question de l’obligation vaccinale, sans doute faut-il d’abord essayer de rendre compte des tensions et des difficultés que pose ce débat et de complexifier ses termes en pensant la responsabilité des soignants dans le paysage social, institutionnel et historique dans lequel elle s’inscrit.

Le 4 mars dernier, lors de leur conférence hebdomadaire, le premier Ministre et le ministre de la Santé incitaient, d’une même voix, les professionnels de santé à se faire vacciner contre la Covid-19. Au cœur de cet appel, le souci de prévention des transmissions nosocomiales de ce virus.

publicité

Ce problème mérite en effet d’être pris à bras le corps. Mais, parce qu’il vient poser des questions éthiques engageant dans leur sillage le principe du primum non nocere si cher aux professions de soin, et par là même la responsabilité des soignants et de l’institution ; ou encore parce que les solutions apportées pour prévenir de telles infections sont loin d’être axiologiquement neutres, comportant leur lot de questionnements sur les modes de gouvernance à l’œuvre, leurs effets sur le travail et la relation de soin, il semble crucial de saisir ce problème, les solutions proposées et les enjeux qu’il soulève dans leur complexité.

Et pour cela, il importe de se défaire des deux principaux registres sur lesquels reposent généralement les discours préventifs et incitatifs, à savoir celui du pathos, dont le journal Le Parisien a donné un bel exemple récemment ; et celui de la culpabilisation, dont le porte-parole du gouvernement, dans les colonnes de ce même quotidien, a donné un autre exemple.

En effet, le journal, dans son édition du 8 mars 2021, publiait un article intitulé « Pierre, mort d’avoir attrapé le Covid à l’hôpital », aux côtés d’une interview de Gabriel Attal expliquant qu’il n’est « pas admissible que l’on ait ce taux de vaccination chez les soignants » et soulignant alors « l’irresponsabilité à refuser de se faire vacciner quand on est soignant ». Il n’est pas question ici de relativiser la souffrance des patients et des proches causée par ces transmissions hospitalières, amenant dans certains cas au décès de patients pris en charge initialement pour un tout autre problème.

Mais il paraît toutefois peu pertinent, si ce n’est déplacé, de renvoyer les soignant


[1] Michel Foucault, « L’incorporation de l’hôpital dans la technologie moderne », Hermès, La Revue, 2(2), 1988, p. 30-40.

[2] Olivier Véran, Conférence de presse Covid-19, allocution publique du 4 mars 2021.

[3] Pour reprendre ici la formule de Raymond Boudon : Raymond Boudon, Raisons, bonnes raisons, Paris, Presses universitaires de France, 2003.

[4] Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Éditions du Seuil, 1990.

Clément Tarantini

Anthropologue

Mots-clés

Covid-19Vaccins

Notes

[1] Michel Foucault, « L’incorporation de l’hôpital dans la technologie moderne », Hermès, La Revue, 2(2), 1988, p. 30-40.

[2] Olivier Véran, Conférence de presse Covid-19, allocution publique du 4 mars 2021.

[3] Pour reprendre ici la formule de Raymond Boudon : Raymond Boudon, Raisons, bonnes raisons, Paris, Presses universitaires de France, 2003.

[4] Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Éditions du Seuil, 1990.