L’invention de l’iconoclasme musulman
Il y a vingt ans, en mars 2001, les Bouddhas de Bamiyan, en Afghanistan, étaient détruits à l’explosif, sur ordre du mollah Omar, par ses troupes de talibans. Pour l’occasion, une sinistre dramaturgie avait été mise au point, qui devait résister à la chute des talibans et à la fuite du mollah, et perdure jusqu’à aujourd’hui : destruction des mausolées de Tombouctou (été 2012), mise à sac du musée de Mossoul (février 2015), saccage de Palmyre (été 2015), etc.

Chaque fois, un dignitaire musulman fait savoir via les médias que l’islam ne tolère pas les images et que telles statues, tels sites, tels musées, offensant gravement la vraie religion, seront incessamment détruits. « Si ce sont des idoles, proférait le mollah, c’est un devoir de les détruire, si ce ne sont que des pierres, les détruire n’a aucune importance. » « Il ne va pas rester un mausolée à Tombouctou, Allah n’aime pas ça, nous sommes en train de casser tous les mausolées cachés dans les quartiers. » « Fidèles musulmans, ces sculptures derrière moi sont des idoles pour les peuples d’autrefois qui les adoraient au lieu d’adorer Dieu. » Etc.
La communauté internationale réagit. Diplomates, dignitaires religieux (y compris musulmans), ONG déplorent l’atteinte imminente au « patrimoine de l’humanité », supplient, quand c’est possible – en Irak en en Syrie, ce n’était pas le cas –, les fanatiques musulmans de renoncer. Le suspens dure quelques jours ; il est oppressant. On montre des images des sites menacés, beaucoup d’entre nous les découvrent à cette occasion. Les grands bouddhas de pierre nichés dans la falaise, les taureaux androcéphales, les édicules de terre cuite et de pisé, les temples palmyréniens nous deviennent en quelques jours familiers.
Puis viennent les destructions, elles sont filmées. Devant les caméras, des fanatiques habillés en fanatiques (la mode évolue : gilets à motifs de camouflage et bonnets pachtounes chez les talibans, total look salafiste pour Daech en Irak) sur-jouent l’