Mexique
I
Mon fils avait disparu. Je le cherchais à la lisière d’un parc, au crépuscule, dans une pénombre chargée d’humidité. Je longeais le trottoir d’un pas précipité, l’esprit chaviré, le cœur battant. À tout instant je trébuchais. Impossible de me rappeler quand je l’avais vu pour la dernière fois, à quelle heure, à quel endroit. Je sentais que mon angoisse allait tourner à l’hystérie, tel un animal pelotonné qui ronge ses griffes, sur le seuil d’une demeure étrangère ou à un arrêt d’autobus. Telle une affreuse femelle, prête à dévorer sa propre chair, à s’engloutir tout entière, par pure haine.
Entre-temps la nuit était tombée. Je me mis à trembler. Je savais qu’en réagissant ainsi, de manière convulsive, je perdais ma dernière chance de le trouver, mais, plus j’y réfléchissais, plus je tremblais. Je n’y voyais presque plus. La nuit sombre était partout présente, maladroite comme toujours, mais voilà que, de loin en loin, un réverbère languissant émergeait d’un feuillage touffu, puis un autre presque éteint, qui pourtant éclairait à sa façon, brassant l’obscurité sans la dissiper, et dix pas plus loin, encore un réverbère pitoyable projetant une ombre poisseuse par paquets, et puis un autre, et un autre, et encore un autre, à intervalles irréguliers, si bien que la nuit n’était plus qu’un ramassis d’obscurités, une bouillie douteuse de nuages carbonisés et de méchants barbouillages, bref rien à voir avec les ténèbres éternelles et absolues.
Tout à coup, je me souvins des vêtements que mon fils portait sur lui la dernière fois que je l’avais vu. Un imperméable rouge et un short bleu. Et maintenant, sans aucun doute, il court, haletant au milieu du parc, et à tout instant il glisse, et il tombe dans la boue, les lèvres serrées, couleur de plomb comme l’anus d’un petit cochon, et son cœur bat à un rythme irrégulier, et ses jambes grêles sont glacées. À moins qu’il ne se soit allongé sur une plate-bande défoncée, là où le parc s’arrête et où la nuit commence ses plaisante