Dix forêts pour un trèfle – sur JVLIVS du rappeur SCH

« Si la rumeur dit vrai, Dieu seul sait comment tout ça se terminera », Gibraltar
« Je l’ai vu naître, ce petit » : ainsi s’ouvre le tome I. L’unité du projet JVLIVS doit beaucoup à cette voix : celle de la doublure francophone d’Al Pacino, José Luccioni. Rocailleuse, elle construit par petites touches un portrait de plus en plus inquiétant, celui d’un « loup » : « C’est pas le Diable ce p’tit, il est simplement né dans un incendie qu’ont allumé ces prédécesseurs, et il en est sorti sur un tricycle en feu. »
La voix de la sagesse (« je l’ai vu naître ») expose les armes possédées, les lieux traversés, de Marseille à Gibraltar. Sur des textes de Furax Barbarossa, rappeur toulousain à qui SCH a confié l’intégralité des interludes qui ponctuent les deux volets de JVLIVS, elle campe un décor, donne des détails, et surtout, surtout, promet une progression narrative. Accompagnée des arrangements de Katrina Squad, empruntant à toutes les musiques et à tous les folklores, elle annonce un revers obscur du monde, un humain devenu bête sans merci.
Al Pacino, interprète de Michael Corleone dans Le Parrain et de Tony Montana dans Scarface, pourrait être, à lui tout seul, la figure tutélaire du rap. Les allusions à Tony et Manny sont devenues un passage obligé, tandis que la figure de la mafia italienne comme famille pourrait servir de double historique de Jvlivs, fasciné par l’Italie et sa mythologie (« t’as le choix : jugé par douze, ou porté par six », dans Otto).
Un cadre narratif, un suspense, une réécriture. La trilogie annoncée JVLIVS, dont vient de paraître le volume II, s’inscrit dans la lignée des concept-albums, et le rappeur revendique son goût pour la narration. Le rap comme avatar poétique du film noir ? « Je sais où va la trilogie », confie-t-il en interview à Mehdi Maïzi pour iTunes Music le 17 mars 2021. Mais SCH joue des rumeurs, et Dieu seul sait comment tout cela se terminera.
« J’suis au coeur de la brêche et du récit », Mannschaft
On ne sait pas ex