Nouvelle

Un printemps à Besançon

Écrivain

« Le langage des fleurs et des choses muettes », comme le disait Baudelaire, donne parfois des allergies. C’est d’abord par le rock que le jeune narrateur de cette nouvelle de Christophe Fiat découvre la poésie, le désir d’écrire, y compris sur les fleurs, et d’« habiter poétiquement le monde ». Et c’est d’une vraie allergie au pollen que souffre cet adolescent des années 80. « Mais qu’arrive-t-il quand la nature ne veut pas de vous ? »

À chaque printemps, ça ne manquait pas, j’éternuais, mes yeux gonflaient et j’avais des difficultés à respirer. Mon père s’affolait, il pensait que j’étais anormal et ma mère qui avait plus d’esprit disait que j’étais fait pour vivre en l’an 2000 « dans un vaisseau spatial ! ». Alors, dès qu’arrivaient les premiers symptômes, je m’imaginais avec une tête monstrueuse (merci papa !) marchant dans des couloirs illuminés d’une lumière crue vêtu d’une combinaison rouge (merci maman !). Finalement, après une série de tests – torse nu sur une chaise à me faire abraser la peau par un certain docteur Prenat afin qu’il constate la réaction en chaîne de mon épiderme à je ne sais quels produits chimiques censés être des condensés du printemps – il s’avéra que c’est ma mère qui avait raison : j’étais vraiment une créature du futur, entendu que j’étais allergique aux pollens et aux graminées.

Voilà, mon organisme réagissait exagérément aux manifestations de la nature c’est-à-dire que tout devenait très intense autour de moi dès l’apparition en Franche-Comté, des perce-neige, des bois-joli aux fleurs mauves en bordure des forêts, des corydales creuses avec leurs grappes de fleurs blanches, des anémones des bois qui sont jaunes dans cette région et pas blanches, des ancolies dont la fleur est d’un bleu profond sur les talus, des géraniums sanguins mauves et rougeâtres et aussi des muguets et des cerisiers en fleurs ! Surtout les cerisiers dont un, derrière la maison de ma grand-mère où mon grand-père s’est pendu à une branche, un après-midi (c’était bien avant ma naissance) à cause d’une évasion à la prison où il était gardien. Sinistre histoire de complicité jamais prouvée parce que, pourquoi aurait-il aidé deux voleurs de voiture allemands à s’évader ? Bref. Oui, ma mère avait tellement raison que c’est d’ici, précisément, qu’il m’arrivait de contempler le ciel pendant des heures, rêvant d’aventures cosmiques comme dans la série Cosmos 1999 que je regardais tous les samedis après


Christophe Fiat

Écrivain, Poète

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