Agriculture

Politique agricole : au-delà de l’accumulation fordiste, pour un programme rouge et vert

Politiste, Politiste

Présenté le 21 mai par le ministre de l’agriculture Julien Denormandie, le Plan stratégique national paraît déjà obsolète. Cette application en France de la PAC (Politique agricole commune) pour la période 2023-2027 ne change pas véritablement la donne, et établit des règles de répartition des aides qui profitent surtout à une élite agricole peu soucieuse d’agroécologie et favorisent les phénomènes d’accumulation et d’expropriation.

L’agriculture française va mal. La politique agricole, qu’instituent l’État français et les autorités européennes, la détruit. Le monde agricole est le lieu d’une double dynamique, qui s’accentue depuis la fin des années 1990 : l’accumulation du capital économique par une élite, qui alimente l’expropriation de la majeure partie des agriculteurs [1].

Ni hasard, ni fatalité : cette double dynamique est organisée et soutenue par les principales institutions – des mesures politiques précisément – qui régulent l’économie agricole. Celles-ci bénéficient en France de vifs supports : dans le champ économique, dans la bureaucratie agricole, dans le monde partisan, les agents qui occupent des positions dominantes tirent profit du régime d’accumulation qui commande la structure du monde agricole.

publicité

À n’en pas douter, les négociations récentes tenues à Bruxelles, Strasbourg et Paris sur la Politique Agricole Commune (PAC) ne seront d’aucun secours. Dans la continuité de la réforme engagée en 1992, celle qui a été édictée vise – conformément au dogme libéral – à faire que la prise en charge des « biens publics » (environnementaux) devienne à terme l’enjeu principal de l’action publique agricole.

Une élite agricole s’érige sur les tombes de ses collègues. Une alliance dominante – entre acteurs issus de segments dominants de l’espace social – orchestre le procès. Est-ce à dire que l’agriculture française est condamnée ? Nous pensons pour notre part que celle-ci a un avenir. À condition toutefois de réviser en profondeur les institutions qui régulent son économie politique.

Cet avenir peut, dans un premier temps du moins, se dessiner dans un cadre capitaliste. Mais il faut pour cela se débarrasser de fausses illusions : la promesse libérale que portent notamment fonctionnaires européens et économistes agricoles selon laquelle le « marché », principe régulateur jugé le meilleur, est susceptible de faire advenir une agriculture socialement désirable ; la fable d’une agricultu


[1] Cet article s’appuie sur les analyses d’un ouvrage à paraître cet été : Matthieu Ansaloni, Andy Smith, L’Expropriation de l’agriculture française. Pouvoirs et politiques dans le capitalisme contemporain, Éditions du Croquant. Nous remercions Ève Fouilleux pour la lecture qu’elle a faite de ce texte.

[2] Données tirées d’un rapport préparé pour le ministère de l’Agriculture : Actif’Agri, « Transformations des emplois et des activités en agriculture », La Documentation française, 2019.

[3] Yves Léon, « L’endettement des agriculteurs et ses limites », Économie rurale, n° 181, 1987, p. 58 ; Agreste, « Commission des comptes de l’agriculture de la Nation », Paris, 2020, p. 21 ; Actif’Agri, op. cit., 2019.

[4] Selon les chiffres de l’Institut National de la Qualité et de l’Origine (INAO), l’établissement public du ministère de l’Agriculture en charge de l’administration des signes de qualité. Aux productions sous appellations d’origine contrôlée et sous agriculture biologique s’ajoutent celles sous label rouge et sous Indications géographiques protégées (qui constituent 1 % et 1,8 % de la production agricole).

[5] Ève Fouilleux, Laura Michel, « Politisation de l’alimentation. Vers un changement de système agroalimentaire ? », in. Ève Fouilleux, Laura Michel (dir.), Quand l’alimentation se fait politique, Presses universitaires de Rennes, p.11-45.

[6] Voir à ce sujet l’enquête de Disclose. 

[7] Phénomène qui, jusqu’aujourd’hui ignoré par l’administration française, a pu faire l’objet de quelques débats parlementaires.

[8] Il en est aussi ainsi des aides à la création des entreprises agricoles (la mal-nommée « politique d’installation ») qui, depuis leur création, tendent à favoriser ceux qui, héritiers agricoles, disposent de moyens de production importants. Fait qui exclut de leur périmètre la grande majorité (environ les deux tiers) des agriculteurs qui débutent leur activité chaque année.

[9] Voir, pour le cas de la Bretagne, berceau laitier français : AGRESTE Breta

Matthieu Ansaloni

Politiste, Chercheur associé au Laboratoire des sciences sociales du politique de l'IEP de Toulouse

Andy Smith

Politiste, Directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, chercheur au Centre Émile Durkheim

Notes

[1] Cet article s’appuie sur les analyses d’un ouvrage à paraître cet été : Matthieu Ansaloni, Andy Smith, L’Expropriation de l’agriculture française. Pouvoirs et politiques dans le capitalisme contemporain, Éditions du Croquant. Nous remercions Ève Fouilleux pour la lecture qu’elle a faite de ce texte.

[2] Données tirées d’un rapport préparé pour le ministère de l’Agriculture : Actif’Agri, « Transformations des emplois et des activités en agriculture », La Documentation française, 2019.

[3] Yves Léon, « L’endettement des agriculteurs et ses limites », Économie rurale, n° 181, 1987, p. 58 ; Agreste, « Commission des comptes de l’agriculture de la Nation », Paris, 2020, p. 21 ; Actif’Agri, op. cit., 2019.

[4] Selon les chiffres de l’Institut National de la Qualité et de l’Origine (INAO), l’établissement public du ministère de l’Agriculture en charge de l’administration des signes de qualité. Aux productions sous appellations d’origine contrôlée et sous agriculture biologique s’ajoutent celles sous label rouge et sous Indications géographiques protégées (qui constituent 1 % et 1,8 % de la production agricole).

[5] Ève Fouilleux, Laura Michel, « Politisation de l’alimentation. Vers un changement de système agroalimentaire ? », in. Ève Fouilleux, Laura Michel (dir.), Quand l’alimentation se fait politique, Presses universitaires de Rennes, p.11-45.

[6] Voir à ce sujet l’enquête de Disclose. 

[7] Phénomène qui, jusqu’aujourd’hui ignoré par l’administration française, a pu faire l’objet de quelques débats parlementaires.

[8] Il en est aussi ainsi des aides à la création des entreprises agricoles (la mal-nommée « politique d’installation ») qui, depuis leur création, tendent à favoriser ceux qui, héritiers agricoles, disposent de moyens de production importants. Fait qui exclut de leur périmètre la grande majorité (environ les deux tiers) des agriculteurs qui débutent leur activité chaque année.

[9] Voir, pour le cas de la Bretagne, berceau laitier français : AGRESTE Breta