Société

Le travail, première des lois non écrites que sont les lois de la vie des gens

Auteure

L’art doit se mettre à « l’école de la vie des gens » : tel est le point de départ de l’École des Actes, lieu culturel et militant né en 2017 dans les espaces du théâtre de la Commune, à Aubervilliers. Dans les réflexions concrètes amorcées par les assemblées, le travail y tient une place de choix. Car séparer les individus de tout accès au travail, c’est les dépouiller de leur vie. Le travail est la première et la plus fondamentale des lois, non pas tant juridiques, mais des lois non écrites : celles de la vie des gens.

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Un être humain ne peut pas, dans son existence, ne pas travailler ; donc là où il n’y a pas de travail, il n’y a pas réellement de vie humaine possible. Laisser des gens sans travailler, les séparer de tout accès au travail, cela revient à les déshumaniser, à les laisser en dehors de l’humanité, à les traiter comme rien, comme néant. 

Que le travail est la première et la plus fondamentale des lois de la vie des gens, c’est ce que nous avons appris tout au long de nos discussions dans l’École des Actes : « Si tu ne travailles pas, tu ne manges pas, c’est quelque chose que tout le monde doit aborder », a-t-il encore été rappelé dans l’assemblée du lundi 14 septembre 2020. 

Nous en concluons qu’il faut faire du travail lui-même une question d’intérêt général, car le grand malheur de ne pas travailler, et de ne pas pouvoir travailler comme on l’aime, cela concerne tout le monde. Si on t’enlève le travail, on t’enlève la possibilité de construire ta vie : ce n’est pas une petite pièce dans un coin, c’est au cœur de l’existence. Les chômeurs le savent, comme les intermittents : ce n’est pas parce que tu touches l’argent de l’aide, ou le RSA, que tu peux construire ta vie avec ça.

Or la question de l’absolue nécessité du travail, et de ce que doit être un travail, est évacuée dans nos pays. Elle est dissoute derrière d’autres mots angoissants : l’emploi (le statut de l’emploi, le nombre des emplois…) et son contraire le chômage. Une partie de la jeunesse se détourne avec dégoût de l’idée de travailler, pas seulement à cause de la difficulté de pouvoir trouver « un emploi », mais surtout à cause des conditions dégradées et dégradantes du travail existant, qui répugnent à son désir.

Des mots obsédants (emploi, chômage, précarité) autorisent à n’envisager le travail qu’en regard de figures de l’intérêt privé : l’intérêt de celui qui fait des bénéfices sur le dos de ceux qui travaillent pour lui ; ou l’intérêt de celui qui travaille (qui a un emploi), en concurre


 

Judith Balso

Auteure, Directrice pédagogique de l'École des Actes

Notes