Politique

Nouvelle-Calédonie et décolonisation : passer à l’exercice pratique

Historienne

En dépit d’un format de réunion inhabituel et en l’absence notable d’un des partenaires indépendantistes historiques, le gouvernement a décidé de la date du 3e et ultime référendum d’autodétermination. Il devrait se tenir d’ici la fin de l’année 2021, mais que le Oui ou le Non l’emporte, le statu quo est inenvisageable. Le document préparatoire à la réunion de cette semaine, qui a fuité dans les médias, montre toutefois que si l’État a bien anticipé les conséquences de l’indépendance, les pratiques de décolonisation indispensables en cas de maintien au sein de la République française restent un impensé.

Le Président de la République, on le sait, est sensible à l’histoire de la colonisation et aux enjeux mémoriels qu’elle sous-tend. Lors d’un déplacement en 2017 en Algérie, il condamnait celle-ci comme un acte de barbarie, un crime contre l’humanité et ajoutait : « Je l’ai fait en France […] et je l’ai fait partout où je me suis déplacé. La colonisation fait partie de l’histoire française […], fait partie de ce passé que nous devons regarder en face […] [1]. » Cinq ans plus tard, la position est fortement réaffirmée et élargie à d’autres sujets : la France doit regarder son passé en face.

Nul doute qu’au moment même où étaient réunis à Paris les principaux représentants des forces politiques calédoniennes pour préparer le troisième et ultime référendum prévu par l’accord de Nouméa qui décidera de l’avenir institutionnel du territoire, l’indépendance ou le maintien dans la République, le Président Emmanuel Macron et son ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu n’ignoraient rien de l’histoire douloureuse qu’a connue la Nouvelle-Calédonie, marquée par un régime colonial particulièrement ségrégatif et brutal envers ceux qu’on appelait alors les indigènes.

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L’un et l’autre ont sans doute en tête l’histoire des spoliations foncières et le refoulement des populations kanak dans des réserves indigènes, l’application très dure du régime de l’indigénat, les obligations de travail, l’impôt de capitation pesant sur les seuls indigènes, autant d’éléments qui ont laissé des traces profondes dans les mémoires.

Leurs interlocuteurs kanak, nés entre 1940 et 1970, ont passé leur jeunesse dans un territoire d’Outre-mer libéré de la colonisation au sens institutionnel du terme, où les régimes juridiques discriminatoires ont été abolis en 1946 et le droit de vote étendu à toutes et tous en 1957. Mais ces générations d’hommes et de femmes kanak ont dû lutter toute leur jeunesse et une partie de leur vie d’adulte contre l’adversité et les effets d’héritage persistants de la situa


[1] Entretien accordé à la chaîne privée algérienne Echourouk News, le 15 février 2017.

Isabelle Merle

Historienne, Directrice de recherche au CNRS

Notes

[1] Entretien accordé à la chaîne privée algérienne Echourouk News, le 15 février 2017.