La gifle ou l’impasse de la représentation
« Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage. Meurs ou tue. »
C’est ainsi que dans Le Cid Don Diègue enjoint à son fils, Rodrigue, de réparer l’affront que Don Gomes, son rival à la cour, vient de lui infliger. De quel affront parle-t-il ? « D’un affront si cruel/ Qu’à l’honneur de tous deux il porte un coup mortel, / D’un soufflet. »
On se félicitera qu’en 2021 une gifle ne provoque plus de bain de sang et qu’Emmanuel Macron (si ce n’est la justice) ait fait preuve de mansuétude envers Damien Tarel, le jeune homme de 28 ans d’obédience royaliste qui a profité d’un bain cette fois de foule pour tenter de gifler le président. Pour autant, cette gifle n’a-t-elle aucun sens symbolique et politique, comme le suggère la dédramatisation enclenchée au quart de tour par la communication présidentielle ? Et l’honneur du « monarque présidentiel » – celui de l’homme et futur candidat et celui de la fonction qu’il incarne – est-il sauf ?

Ce geste a déclenché une furie interprétative et une non moins impressionnante contre-offensive « désinterprétative ». Il s’agit moins de lui assigner un sens que de souligner son statut justement flottant, symptôme d’une société qui ne s’accorde plus sur ses symboles et délaisse le régime de la représentation.
Corneille a bien de la chance. Il écrit Le Cid à l’époque bénie (du moins pour les sémioticiens) de la transparence et de l’univocité du sens. En fondant l’intrigue entière et le conflit (qu’on dira bientôt « cornélien ») de son personnage éponyme sur un soufflet, il sait que tous, sur scène et dans l’auditoire, dans la fiction et chez ses contemporains, comprendront immédiatement et unanimement le sens de cette gifle originelle et la traduiront dramatiquement et politiquement sans ciller. Aucune exégèse nécessaire, aucun débat possible, aucun éditorialiste requis (temps béni, vous dis-je). Le soufflet est « infamie », « mortel affront », « honte », « outrage » et mérite « vengeance ». La gifle est un fait symbolique a