Société

Jeune, entreprends et tais-toi !

Sociologue

L’annonce cette semaine par Emmanuel Macron d’un « contrat d’engagement jeune » visant à favoriser la réinsertion des moins de 26 ans en situation de grande précarité ne doit pas masquer le fait que c’est d’abord et avant tout la conversion à « l’esprit d’entreprise » qui caractérise aujourd’hui la politique de la jeunesse.

Abbeville, vendredi 13 octobre 2017 au soir, dans la salle de conférences du « pôle tertiaire de services » Garopôle, un bâtiment récemment inauguré, en réhabilitation d’une halle attenant à la gare de cette petite ville d’environ vingt-cinq mille habitants, située au cœur d’un territoire touché par la désindustrialisation et à la démographie vieillissante.

Sont réunis plusieurs dizaines de jeunes gens, essentiellement lycéens des environs ou étudiants venus depuis Amiens, l’ex-capitale régionale située à une trentaine de minutes. L’évènement, une « Startup Week-End » (propriété de la firme multinationale Google), est organisée par le chargé de développement économique d’une structure intercommunale en collaboration avec une association amiénoise active dans le domaine du soutien à « l’innovation » économique.

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Le temps d’un week-end, les participants vont donc « apprendre en s’amusant » à « monter un projet en équipes ». Au programme : séances de travail par groupes autour de l’opérationnalisation d’une idée de « startup » (le plus souvent une idée d’application numérique qu’il s’agit de rendre viable économiquement), rencontres avec des professionnels venus apporter leurs conseils, temps de formation exposant les bases de la gestion d’entreprises, moments plus récréatifs ou spectaculaires, avec jeux de lumières et musique pulsée, le tout entrecoupé à intervalle régulier du slogan de l’événement scandé en cœur par l’assistance : « Startup… WEEK-END ! » À l’issue du week-end, chaque projet est présenté en une minute (« pitché ») devant un jury composé de professionnels et d’édiles locaux. Les vainqueurs obtiennent alors, entre autres prix, la possibilité de bénéficier d’un accompagnement une année durant par un incubateur de projets[1].

Cette première édition d’une Startup Week-End « Youth », c’est-à-dire ouverte en priorité à des jeunes, s’inscrit dans le cadre des actions portées par l’un des seize lauréats de l’appel d’offre « Projets innovants en faveur


[1] La petite histoire veut que le vainqueur de cette édition ne soit autre que Rémi Cardon, devenu depuis sénateur de la Somme (sous l’étiquette Parti socialiste), et qui était déjà à cette époque très présent dans différentes instances de représentation des jeunes (en tant que membre du Mouvement des jeunes socialistes) tout en poursuivant des études marquées par « l’esprit d’entreprise ».

[2] Le Programme d’Investissements d’Avenir a été lancé en 2009, suivant le vœu de Nicolas Sarkozy, avec pour objectif de financer par emprunt des projets dans différents domaines jugés prioritaires pour l’avenir du pays, comme la recherche et l’innovation.

[3] Le Poverty Action Lab, nom complet Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) est un réseau de chercheurs en économie qui privilégient l’expérience de terrain à grande échelle pour étudier les politiques sociales de lutte contre la pauvreté et évaluer scientifiquement leur efficacité.

[4] Extrait du rapport, cité dans une brochure de l’INJEP titrée « Accompagner les jeunes à l’entrepreneuriat, un vecteur d’insertion professionnelle ? », Jeunesses : études et synthèses, n° 33, juillet 2016.

[5] Voir Vincent Dubois et al., Le Politique, l’artiste et le gestionnaire, (re)configurations locales et (dé)politisation de la culture, Éditions du Croquant, 2017.

[6] Sylvie Tissot, L’État et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique, éditions du Seuil, 2007.

[7] Nicolas Brusadelli, « Réinventer l’animation par l’éducation populaire ? Quand le travail social se politise », Savoir/Agir, n° 43, 2018.

Éric Brun

Sociologue, Docteur associé au Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP-CSE) et membre de l’Institut d’études populaires (IEPOP) des Hauts-de-France

Notes

[1] La petite histoire veut que le vainqueur de cette édition ne soit autre que Rémi Cardon, devenu depuis sénateur de la Somme (sous l’étiquette Parti socialiste), et qui était déjà à cette époque très présent dans différentes instances de représentation des jeunes (en tant que membre du Mouvement des jeunes socialistes) tout en poursuivant des études marquées par « l’esprit d’entreprise ».

[2] Le Programme d’Investissements d’Avenir a été lancé en 2009, suivant le vœu de Nicolas Sarkozy, avec pour objectif de financer par emprunt des projets dans différents domaines jugés prioritaires pour l’avenir du pays, comme la recherche et l’innovation.

[3] Le Poverty Action Lab, nom complet Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) est un réseau de chercheurs en économie qui privilégient l’expérience de terrain à grande échelle pour étudier les politiques sociales de lutte contre la pauvreté et évaluer scientifiquement leur efficacité.

[4] Extrait du rapport, cité dans une brochure de l’INJEP titrée « Accompagner les jeunes à l’entrepreneuriat, un vecteur d’insertion professionnelle ? », Jeunesses : études et synthèses, n° 33, juillet 2016.

[5] Voir Vincent Dubois et al., Le Politique, l’artiste et le gestionnaire, (re)configurations locales et (dé)politisation de la culture, Éditions du Croquant, 2017.

[6] Sylvie Tissot, L’État et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique, éditions du Seuil, 2007.

[7] Nicolas Brusadelli, « Réinventer l’animation par l’éducation populaire ? Quand le travail social se politise », Savoir/Agir, n° 43, 2018.