Société

Consommation de crack, soins et accompagnement dans le Nord-Est de Paris

Juriste

Le jardin d’Éole, dans le Nord-Est parisien, avait été ouvert aux consommateurs de crack pour délester un peu le quartier de Stalingrad, il a été évacué dans la nuit du 29 au 30 juin. Les stratégies proposées pour endiguer ce phénomène déchirent la classe politique autant que les résidents. Or, si la situation est véritablement intenable pour ces derniers, il est une chose fondamentale à ne pas oublier : les toxicomanes ont des droits et des libertés, au même titre que les habitants.

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Au Nord-Est de Paris, à cheval sur les 18e et 19e arrondissements, le crack est vendu et consommé dans l’espace public. Cette zone peut être grossièrement délimitée. D’un côté, l’avenue Jean Jaurès. De l’autre, les rails de la Gare du Nord. Au nord, la rue de Crimée et au sud, le métro aérien de la ligne 2. Un carré approximatif dont les côtés font environ 1,5 km. Il s’agit d’un des quartiers les plus pauvres de Paris et c’est là que plusieurs centaines de toxicomanes sont relégués [1].

Les interstices de la ville

La présence de toxicomanes dans notre quartier n’est pas un hasard. Depuis son arrivée en métropole dans les années 90, le crack est quasiment exclusivement implanté dans le Nord-Est parisien. Au sein de cet espace, les lieux de vente et de consommation varient en fonction de l’évolution de l’urbanisme et de l’action de la police. En ce moment, ils sont ici. Pourquoi ?

En raison, d’abord, du démantèlement, fin 2019, de la « Colline du crack », porte de la Chapelle. Opération policière avec un accompagnement social minimal, elle a uniquement produit une dispersion des toxicomanes de ce camp. Ils se sont alors réorganisés à Stalingrad. Ensuite, les confinements et couvre-feu successifs leur ont laissé la complète maîtrise de l’espace public.

Dans le bas de l’avenue de Flandres, l’évolution fut saisissante. Sans les enfants du Jardin Luc-Hoffman, sans les habitués attablés aux cafés ou dans les kebabs, l’avenue fut laissée à l’abandon et progressivement contrôlée par les toxicomanes. Avec le retour des terrasses le long du Bassin de la Villette, les choses ont un peu changé. La colère et la mobilisation des riverains provoquèrent également un intérêt des médias et une présence policière plus importante.

En mai, la préfecture de Police et la Mairie de Paris décidèrent alors de déplacer la consommation de crack vers la partie nord des jardins d’Éole. Longeant la rue d’Aubervilliers et les rails de la Gare de l’Est, le jardin était déjà occupé par les


[1] Évidemment, d’autres quartiers notamment adjacents sont concernés par ce phénomène. Toutefois, il semble qu’au moins temporairement, une plus forte concentration de toxicomanes soit réunie ici.

[2] Circulaire du 13 juillet 2016 de politique pénale relative à l’ouverture des premières salles de consommation à moindre risque, espace de réduction des risques par usage supervisé.

[3] Cour EDH, 4 avril 2000, Witold Litwa c. Pologne, req. n°26629/95.

[4] Voir Maria A. Sullivan et all., « Uses of Coercion in Addiction Treatment: Clinical Aspects », American Journal on Addictions, vol. 17, no 1, 2008 et D. Werb et all., « The Effectiveness of Compulsory Drug Treatment: A Systematic Review », International Journal of Drug Policy, vol. 28, 2016.

[5] Recommandation REC (2004) 10 du Comité des Ministres aux États membres relative à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux.

Pierre Auriel

Juriste, Docteur en droit public, Chercheur post-doctoral dans le cadre du programme ANR "Egalibex", Université Lyon 3

Notes

[1] Évidemment, d’autres quartiers notamment adjacents sont concernés par ce phénomène. Toutefois, il semble qu’au moins temporairement, une plus forte concentration de toxicomanes soit réunie ici.

[2] Circulaire du 13 juillet 2016 de politique pénale relative à l’ouverture des premières salles de consommation à moindre risque, espace de réduction des risques par usage supervisé.

[3] Cour EDH, 4 avril 2000, Witold Litwa c. Pologne, req. n°26629/95.

[4] Voir Maria A. Sullivan et all., « Uses of Coercion in Addiction Treatment: Clinical Aspects », American Journal on Addictions, vol. 17, no 1, 2008 et D. Werb et all., « The Effectiveness of Compulsory Drug Treatment: A Systematic Review », International Journal of Drug Policy, vol. 28, 2016.

[5] Recommandation REC (2004) 10 du Comité des Ministres aux États membres relative à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux.