Société

La différence à l’épreuve de l’identité

Conservatrice

Le port du masque imposé par la pandémie a considérablement affecté le quotidien des personnes sourdes et malentendantes, les privant de la moitié du visage de leurs interlocuteurs. Ceci d’autant plus lorsqu’elles sont oralistes. Car tous les sourds ne pratiquent pas la langue des signes, ce qui les condamne à une double invisibilisation : auprès de la société qui ne repère pas ce qui sert de marqueur de handicap, et auprès de la communauté sourde qui s’est cristallisée autour de la pratique de cette-ci.

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« À l’Être qui s’oppose, montrons l’Étant qui s’appose. »
Édouard Glissant, Traité du tout-monde

La pandémie de la Covid-19 a contribué à mettre en lumière, voire à accentuer certaines inégalités sociales et notamment celles dont souffrent les personnes handicapées, plus particulièrement sourdes et malentendantes. La perspective que je développe ici sur les concepts de différence, d’identité et de communauté s’articule avec ma trajectoire personnelle, en tant que sourde profonde oraliste.

Le port du masque opaque, s’il protège efficacement du virus, a brutalement privé toute une partie de la population de ses moyens habituels de communication en dissimulant le bas du visage des interlocuteurs, dont la vue est indispensable pour les personnes sourdes et malentendantes dans le cadre des échanges verbaux.

Les réponses matérielles et pragmatiques qui ont été proposées – visière transparente puis, après l’absence d’homologation de celle-ci, masque avec une fenêtre transparente – se sont rapidement révélées insatisfaisantes pour deux raisons : d’une part, la production de buée sur la fenêtre transparente du masque, qui varie selon les conditions climatiques et le locuteur, nuit considérablement à l’efficacité de la lecture labiale tandis qu’elle est génératrice d’inconfort pour la personne qui porte ce type de masque ; d’autre part, malgré les nombreuses déclarations de bonne intention du gouvernement, les masques transparents sont loin d’avoir été généralisés : ni les administrations publiques, ni les commerces n’en ont été équipés de façon systématique, à l’exception des services employant des personnes sourdes et malentendantes.

Le quotidien de ces dernières s’en est trouvé considérablement affecté de manière durable, impactant prioritairement les personnes sourdes oralistes ou LPCistes (pratiquant le langage parlé complété), pour lesquelles la lecture labiale est le préalable indispensable à toute compréhension. Les nouvelles technologies sont alors venues à


Charlotte Denoël

Conservatrice, Archiviste paléographe, docteure en histoire de l’art et conservatrice en chef au Département des manuscrits de la BNF