« Croyez vos yeux » – de Rodney King à George Floyd

«Croyez vos yeux. Ce que vous avez, vous l’avez vu.» C’est par ces mots que Steve Schleicher, le procureur au procès de Derek Chauvin, le policier à l’origine de la mort de George Floyd, a conclu son réquisitoire lundi 19 avril 2021. Le jury populaire s’est depuis prononcé (le 20 avril autour de 23 heures, heure française) et a retenu Derek Chauvin coupable des trois chefs d’inculpation (meurtre, violences volontaires ayant entraîné la mort et homicide involontaire).
C’est peu dire que ce verdict était attendu. Devant l’éventualité d’un verdict favorable à Chauvin et d’une réaction émeutière, la ville de Minneapolis a été déclarée peacetime emergency, une forme d’état d’urgence pour lequel les policiers des États voisins sont réquisitionnables à tout instant : 3 000 soldats de la garde nationale ont été mobilisés, de nombreux commerces ont baissé leur rideau et tout le pays est resté suspendu à ce procès, diffusé en direct à la télévision pendant 14 jours.
Par bien des aspects, ce procès historique rappelle celui de « l’affaire Rodney King », une des premières affaires de violences policières dans laquelle l’image vidéo a joué un rôle déterminant aux États-Unis. À trente ans de différence quasi jour pour jour, les conditions pour lesquelles des images peuvent « faire preuve » semblent être mises en jeu dans des termes similaires. Face à l’évidence de l’inégalité raciale face à la violence policière, ce procès renouvelle la question posée par Judith Butler [1] : « Dans quelle mesure le racisme interprète-t-il par avance toute “preuve visuelle” ? »
Rodney King
Le 3 mars 1991, Rodney King était roué de coups sur le bitume d’une route de Los Angeles. Le violent passage à tabac de cet afro-américain par quatre policiers de Los Angeles fut filmé par un voisin, Georges Holliday, qui enregistra la scène avec son petit camescope depuis son balcon. La vidéo qu’il remit à KTLA, télévision locale de Los Angeles, circula rapidement jusqu’à la jeune CNN (créée en 1985,