Santé

Overdose Awareness Day : honorer les morts par surdose d’opioïdes

Urbaniste et sociologue

Depuis vingt ans, les États-Unis font face à une épidémie invisible qui tue chaque année des dizaines de milliers de personnes par surdose d’opioïdes. Produit de la dérégulation des prescriptions médicamenteuses et des pratiques publicitaires agressives, cette épidémie renvoie aussi aux stigmatisations sociales et raciales profondément enracinées dans la société américaine. Ce 31 août, les familles de victimes commémorent à travers tout le pays les vies brisées par ces drogues légales.

Le 31 août, dans de nombreuses villes des États-Unis, des cérémonies ont lieu pour commémorer la mémoire des personnes décédées des suites d’une surdose. Drapeaux en berne, distribution de rubans ou bracelets violets, dépôt de bougies et de croix symbolisant les disparus, lecture des noms des morts, autant d’initiatives portées par des parents endeuillés qui, ces dernières années, osent prendre la parole pour interpeller les élus sur les ravages de cette épidémie d’overdoses qui a fait plus de 800 000 victimes en vingt ans.

Elle trouve ses racines au milieu des années 1990 avec la hausse de la consommation de médicaments antalgiques opioïdes suite à la mise sur le marché de l’OxyContin par Purdue Pharma. Son succès commercial spectaculaire s’explique par le déploiement de pratiques publicitaires agressives, par le ciblage des médecins prescripteurs et par la sous-estimation du risque d’addiction.

publicité

Il est concomitant d’un intérêt croissant, dans le monde médical, pour une meilleure prise en charge de la douleur, via, entre autres, la reconnaissance de la douleur comme cinquième signe vital sur lequel les médecins devraient s’appuyer pour établir leur diagnostic (et leur prescription).

La gestion de la douleur devient un des critères d’appréciation de la qualité des soins dans un contexte de transformation structurelle de l’offre de soins primaires vers des organisations où la consultation médicale est soumise à une logique de rentabilité, à une évaluation de la qualité de la relation patient, et au risque juridique [1]. Les médecins ont moins de temps à consacrer à leur patients et répondent à leur plainte par des médicaments antidouleurs mieux pris en charge par les assurances que les kinésithérapies et psychothérapies.

À cela s’ajoute la très faible formation des médecins sur les conduites addictives, au risque de la perpétuation des préjugés et de la stigmatisation des personnes concernées, frein dans l’accès au soin.

Les premières alertes ont été lancées


[1] Anna Lembke, Drug Dealer, MD. How Doctors Were Duped, Patients Got Hooked and Why It’s So Hard To Stop, Johns Hopkins University Press, 2016.

[2] Barry Meier, Pain Killer. A “Wonder” Drug’s Trail of Addiction and Death, Rodale, 2003.

[3] Sam Quinones, Dreamland. The True Tale of America’s Opiate Epidemic, Bloomsbury Press, 2015.

[4] Eric C. Schneider, Smack. Heroin and the American City, University of Pennsylvania Press, 2011.

[5] David F. Musto, The American Disease. Origins of Narcotic Control, Oxford University Press, 1999.

[6] Michelle Alexander, La couleur de la justice. Incarcération de masse et nouvelle ségrégation raciale aux États-Unis (The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of Colorblindness, 2010), traduit de l’anglais par Anika Scherrer, éditions Syllepse, 2017.

Elsa Vivant

Urbaniste et sociologue, Enseignante-chercheuse au Latts (CNRS/ParisTech/Université Gustave-Eiffel)

Notes

[1] Anna Lembke, Drug Dealer, MD. How Doctors Were Duped, Patients Got Hooked and Why It’s So Hard To Stop, Johns Hopkins University Press, 2016.

[2] Barry Meier, Pain Killer. A “Wonder” Drug’s Trail of Addiction and Death, Rodale, 2003.

[3] Sam Quinones, Dreamland. The True Tale of America’s Opiate Epidemic, Bloomsbury Press, 2015.

[4] Eric C. Schneider, Smack. Heroin and the American City, University of Pennsylvania Press, 2011.

[5] David F. Musto, The American Disease. Origins of Narcotic Control, Oxford University Press, 1999.

[6] Michelle Alexander, La couleur de la justice. Incarcération de masse et nouvelle ségrégation raciale aux États-Unis (The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of Colorblindness, 2010), traduit de l’anglais par Anika Scherrer, éditions Syllepse, 2017.