Hommage

Une étrange inquiétude – in memoriam Peter Rehberg

journaliste

La reprise de Showroomdummies dans le cadre du portrait que le Festival d’automne consacre à Gisèle Vienne offre l’occasion de rendre hommage à celui qui en signe la musique : Peter Rehberg. Disparu cet été à l’âge de 53 ans, le musicien britannique laisse derrière lui une œuvre vaste et protéiforme, qui a contribué aux mutations récentes de la musique électronique.

L’impression était forte, face à cet homme, d’avoir là ce que l’on appelle une force de la nature : il rigolait tout aussi fort qu’il pouvait être pénible, il allait au fin fond des bruits de ses machines tout autant qu’il naviguait sur les vagues des rencontres sociales. Peter Rehberg était à peu près le contraire d’un nerd – il était plutôt un nerf à vif : sa musique, souvent sombre et ornée de bruits bruts, en témoigne encore et pour longtemps.

Pour autant, Peter Rehberg, citoyen britannique né en 1968 et établi à Vienne, un peu à la façon des exilés européens début de siècle, avait construit autour de lui un royaume virtuel dans lequel la plupart des amateurs de la musique expérimentale, dans tous les sens du terme et surtout les plus nobles, pouvaient se retrouver. Et cela depuis le début des années 1990, lorsqu’il apparut sur la scène électronique sous le nom de Pita, via le label qu’il dirigeait déjà mais avec quelques autres, Mego.

publicité

D’où venait-il ? Sans doute d’une combinaison liée à son époque : amateur de musiques industrielles, de post-rock, il avait cette curiosité très anglaise pour la nouveauté en musique. Ses sources, au début des années 1990, semblaient ainsi tenir tout autant de ce qu’il avait entendu et assimilé que de ce qu’il découvrait : la house, la techno, le shoegazing. Cet esprit de synthèse permanente aurait pu faire de lui un musicien un peu moins que mineur, réfugié dans les méandres et les inventions des autres. Il était tout le contraire : ses premiers disques marquaient un sens aigu de l’innovation mais aussi de l’humour sec.

Parmi ses premières réalisations, il y a deux disques assez fabuleux et détonants pour l’époque, commis en groupe sous le nom de General Magic & Pita : Fridge Trax (1995) et Live & Final Fridge (1995). Ces deux albums de fausse musique ambient étaient conçus à partir de bruits de réfrigérateurs, comme un pied de nez aux acceptions classiques qui considéraient que ce genre de musique était forcément le pr


Joseph Ghosn

journaliste, directeur de la rédaction des Inrockuptibles

Rayonnages

Musique Hommage Culture