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Repolitiser l’espace : ce qu’un film en orbite dit de la stratégie spatiale russe

Sociologue

Ce mardi 5 octobre, le vaisseau de transport russe Soyouz MS-19 a décollé de Baïkonour avec, à son bord, le réalisateur Klim Shipenko et l’actrice Yulia Peresild. Direction la Station spatiale internationale pour y tourner le premier film de fiction jamais réalisé en orbite. Pour la Russie, l’enjeu est surtout de se réaffirmer, en écho à 1961, comme une puissance pionnière de l’exploration spatiale. Une stratégie qui lui coûte cher, alors qu’elle pourrait choisir d’investir dans d’autres enjeux, comme la gestion des débris spatiaux ou le développement de systèmes de lancement plus durables et réutilisables.

Ce 5 octobre 2021 est l’une de ces dates à marquer d’une pierre blanche, inaugurant une nouvelle ère de l’exploration spatiale – ou du moins est-ce là ce qu’espère le Directeur Général de l’entreprise d’État en charge du programme spatial russe (Roscosmos), Dimitri Rogozin. Faisant suite aux prouesses pionnières des ingénieurs et cosmonautes soviétiques – premier vol habité, première femme à voler dans l’espace, première « sortie extravéhiculaire » (plus communément identifiée par le terme anglophone de space walk) –, la Russie se veut aujourd’hui le héraut d’une commercialisation à tout-va de sa station spatiale, y compris via le tournage d’un film à bord de ses modules.

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Le film, provisoirement intitulé « Vyzov » (traduisible par « Défi » ou « Appel »), a donc la particularité d’être le premier film de fiction jamais tourné en orbite, incluant le vol du réalisateur Klim Shipenko et de l’actrice Yulia Peresild à bord de la Station spatiale internationale (« ISS » selon l’acronyme anglophone). Ce 5 octobre 2021, à 11 h 55 heure de Moscou, le vaisseau de transport russe Soyouz MS-19 a donc décollé pour l’ISS avec, à son bord, les deux membres de l’équipe du film et un commandant de bord, cosmonaute professionnel – Anton Shkaplerov.

Conférences de presse régulières, apparitions lors d’émissions télévisées, omniprésence sur les réseaux sociaux, contribution à des événements de sensibilisation de la jeunesse russe au secteur spatial, ou encore participation à des événements culturels en présence du Directeur de Roscosmos : la promotion de ce vol est particulièrement alimentée. Depuis début septembre 2021, l’entraînement de l’équipe du film fait d’ailleurs l’objet d’une série de télé-réalité, supposée suivre le lancement, le vol à bord de l’ISS et le retour sur Terre de l’équipage.

Tel que résumé sur les sites officiels (Roscosmos ou Pervyj kanal, chaîne de télévision officielle du gouvernement participant à la production), le film raconte l’histoire d’une jeune


[1] « Astronaute » est utilisé pour qualifier les membres d’équipage occidentaux (états-uniens, français, etc.), « cosmonaute » pour les Soviétiques et Russes.

Julie Patarin-Jossec

Sociologue, Enseignante à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg, chercheuse associée au Centre Émile Durkheim (CNRS/Université de Bordeaux).

Notes

[1] « Astronaute » est utilisé pour qualifier les membres d’équipage occidentaux (états-uniens, français, etc.), « cosmonaute » pour les Soviétiques et Russes.