Agamben WTF ou comment la philosophie a manqué l’épidémie

Alors que de nouvelles vagues d’infections se propageaient et que la fâcheuse question des passes sanitaires devenait réalité, les sociétés se sont trouvées prises en otage par une coalition tristement familière de personnes non informées, mal informées, mal avisées, misanthropes. C’est à elles que l’on doit la nécessité probable des passeports vaccinaux, dont personne, à l’origine, ne voulait. Sans leur tapage et leur narcissisme, les taux de vaccination seraient suffisamment élevés pour que nous n’ayons pas besoin de passes sanitaires.
Or ce n’est pas seulement la « populace » qui est à l’origine de ce triste gâchis, mais aussi certaines voix émanant des échelons le plus hauts de la sphère académique. Pendant la pandémie, alors que la société avait désespérément besoin de comprendre la situation dans son ensemble, la philosophie a failli à sa mission, parfois par ignorance ou incohérence, parfois en se laissant aller, purement et simplement, à la fraude intellectuelle. Regarder de plus près les propos tenus par le philosophe italien Giorgio Agamben permet de comprendre, en partie, les raisons de cet échec.
Célèbre pour sa critique de la « biopolitique », qui a contribué à façonner le regard que portent les sciences humaines sur la biologie, la société, les sciences et le politique, Agamben n’a eu de cesse, pendant toute la durée de la pandémie, de publier des éditoriaux (plus d’une douzaine) dans lesquels il dénonce la situation d’une manière qui ressemble fort à celle des théories du complot de la droite (comme de la gauche).
Au cours des vingt dernières années, l’influence soft power de ses concepts-clés en sciences humaines – homo sacer, zoē/bios, l’état d’exception, etc. – a été considérable. Il s’agit de concepts qui ont également contribué à consolider la vieille et rance croyance selon laquelle toute intervention artificielle dans la condition biologique de la société humaine serait implicitement totalitaire. Être « critique » revient alors, bien