Politique

En Nouvelle-Calédonie, Macron joue avec le feu

Antropologue et historien

Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, l’a annoncé : la décision du maintien ou non d’un troisième référendum sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie le 12 décembre sera prise dans les jours qui viennent. Si le seul critère avancé est celui de l’évolution de la crise sanitaire, il faut rappeler que les indépendantistes appellent au boycott du scrutin ; aussi par crainte d’un télescopage avec le calendrier électoral. Les tensions montent, la perspective d’un consensus s’éloigne et, précipité et délégitimé, ce vote ne pourra être que le déclencheur d’une grave crise politique et sociale.

Si le référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie est maintenu à la date du 12 décembre 2021, comme le prônent actuellement le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu et les dirigeants « loyalistes » locaux (favorables au maintien de l’archipel dans la France), il est certain que le scrutin ne permettra pas de régler le contentieux colonial, mais qu’il provoquera au contraire une grave crise politique et sociale.

Dans un communiqué du 20 octobre, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) a en effet appelé les électeurs indépendantistes à ne pas participer au vote, en raison de la crise sanitaire et du télescopage du calendrier électoral avec les présidentielles en France. Toutes les autres organisations indépendantistes du « Caillou » – comme on surnomme parfois la Nouvelle-Calédonie – ont donné la même consigne à leurs militants, en réaction au maintien de la date du 12 décembre par Sébastien Lecornu. Refusant d’entrer en campagne, les groupes indépendantistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie n’ont transmis aucun document de propagande à la commission de contrôle chargée des opérations électorales avant la date-limite du 27 octobre.

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Dans ces conditions, le résultat de la consultation est connu d’avance : la quasi-totalité des votants se prononcera contre l’indépendance, mais l’abstention de la moitié du corps électoral délégitimera tout le scrutin qui ne règlera rien sur le plan politique. L’épreuve de force entre les indépendantistes et le gouvernement français, soutenu par les loyalistes, est bel et bien engagée.

Ce sont les indépendantistes qui ont demandé à l’État d’organiser ce référendum – mais pas à cette date – comme les y autorise l’accord de Nouméa. Ce compromis politique original, signé en 1998 par les leaders politiques des deux camps et les représentants de l’État sous l’égide de Lionel Jospin, puis intégré à la Constitution française, a organisé pendant plus de deux décennies une « décolonisation » (le mot e


[1] Tweet d’Emmanuel Macron, 28 juin 2018. Il a prononcé une phrase proche (« la France ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie ») dans un discours à Nouméa le 5 mai 2018.

[2] Jean-Pierre Djaïwé, « L’État français n’a pas respecté sa parole », L’Humanité, 27 octobre 2021. Les citations suivantes de Jean-Pierre Djaïwé sont toutes issues de cet entretien.

[3] André Forest, Nouvelle-Calédonie Première, 3 novembre 2021.

[4] Déclaration de M. Édouard Philippe, Premier ministre, sur l’organisation de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, à Paris le 10 octobre 2019, accessible en ligne.

[5] Communiqué de M. Paul Néaouytine, Présidence de la Province Nord, Koné, le 20 octobre 2021, accessible en ligne.

[6] Bureau politique du FLNKS, communiqué de presse, Koné, le 20 octobre 2021, accessible en ligne.

[7] « Référendum 2021 : depuis Papeete, Emmanuel Macron envoie un message de “confiance en l’avenir” aux Calédoniens », Nouvelle-Calédonie Première, 28 juillet 2021 ; « Nouvelle-Calédonie : Macron salue la victoire du “non” à l’indépendance », Le Point, 4 octobre 2020.

[8] Jean-Marie Tjibaou, La Présence Kanak, Odile Jacob, Paris, 1996, p. 179.

[9] Ministre des Outre-mer, « Discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie »

[10] Jean Courtial et Ferdinand Mélin-Soucramanien, « Réflexions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie », rapport au Premier ministre, La Documentation Française, 2014

[11] Mathias Chauchat, « Qu’est-ce qu’une Nation ? Première approche du document du Oui et du Non », conférence au Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie, 27 juillet 2021

[12] Jean-François Merle, « La France ne serait-elle pas plus belle, liée par un partenariat durable avec un État calédonien ? », Le Monde, 16 septembre 2021.

[13] « L’ombre de la Chine place sur le troisième référendum en Nouvelle-Calédonie », Le Monde, 5 octobre 2021.

[14] Denise Fischer (ancienne consul australienne à Nouméa), « Uncertainties as New Caledonia prepares for its final indep

Benoît Trépied

Antropologue et historien, Chargé de recherche au CNRS – IRIS

Notes

[1] Tweet d’Emmanuel Macron, 28 juin 2018. Il a prononcé une phrase proche (« la France ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie ») dans un discours à Nouméa le 5 mai 2018.

[2] Jean-Pierre Djaïwé, « L’État français n’a pas respecté sa parole », L’Humanité, 27 octobre 2021. Les citations suivantes de Jean-Pierre Djaïwé sont toutes issues de cet entretien.

[3] André Forest, Nouvelle-Calédonie Première, 3 novembre 2021.

[4] Déclaration de M. Édouard Philippe, Premier ministre, sur l’organisation de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, à Paris le 10 octobre 2019, accessible en ligne.

[5] Communiqué de M. Paul Néaouytine, Présidence de la Province Nord, Koné, le 20 octobre 2021, accessible en ligne.

[6] Bureau politique du FLNKS, communiqué de presse, Koné, le 20 octobre 2021, accessible en ligne.

[7] « Référendum 2021 : depuis Papeete, Emmanuel Macron envoie un message de “confiance en l’avenir” aux Calédoniens », Nouvelle-Calédonie Première, 28 juillet 2021 ; « Nouvelle-Calédonie : Macron salue la victoire du “non” à l’indépendance », Le Point, 4 octobre 2020.

[8] Jean-Marie Tjibaou, La Présence Kanak, Odile Jacob, Paris, 1996, p. 179.

[9] Ministre des Outre-mer, « Discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie »

[10] Jean Courtial et Ferdinand Mélin-Soucramanien, « Réflexions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie », rapport au Premier ministre, La Documentation Française, 2014

[11] Mathias Chauchat, « Qu’est-ce qu’une Nation ? Première approche du document du Oui et du Non », conférence au Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie, 27 juillet 2021

[12] Jean-François Merle, « La France ne serait-elle pas plus belle, liée par un partenariat durable avec un État calédonien ? », Le Monde, 16 septembre 2021.

[13] « L’ombre de la Chine place sur le troisième référendum en Nouvelle-Calédonie », Le Monde, 5 octobre 2021.

[14] Denise Fischer (ancienne consul australienne à Nouméa), « Uncertainties as New Caledonia prepares for its final indep