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Chili : écrire une Constitution sans contraintes

Juriste

Ce dimanche 21 novembre se tiendra au Chili le très attendu premier tour des élections présidentielles. Fruit de la mobilisation massive contre les inégalités de l’automne 2019, l’assemblée constituante élue au mois de mai serait bien en peine de rédiger une nouvelle Constitution d’ici le mois de juin si le ou la vainqueur(e) de la présidentielle ne créait par des conditions favorables à son aboutissement. Tous les espoirs sont placés dans cette innovation démocratique, qui marquerait une rupture avec des pratiques politiques héritées de Pinochet et pourrait servir de modèle à l’échelle mondiale.

Élue les 15 et 16 mai derniers, l’assemblée constituante chilienne a d’ores et déjà marqué l’Histoire. Celle de son propre pays avant tout, puisqu’il s’agit tout simplement de la première assemblée constituante de l’histoire du Chili. Mais elle a également fait une entrée fracassante dans l’histoire mondiale des processus constituants, en ce qu’elle est la première assemblée dans le monde à être totalement paritaire.

Preuve de son retentissement international, la présidente de cette assemblée, Elisa Loncón, a été désignée par le magazine Time comme une des cent personnalités les plus influentes dans le monde en 2021. Cette consécration médiatique peut étonner dans la mesure où pour le moment… aucune ligne de la nouvelle Constitution n’a été adoptée. Depuis son installation le 4 juillet 2021, l’assemblée, appelée « Convención constitucional », est uniquement parvenue à voter les textes organisant en détail son fonctionnement interne : le Règlement général, celui relatif à l’éthique, celui sur la participation et la consultation indigène, et enfin celui portant sur la participation populaire.

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Malgré son bilan quantitativement mince, cette assemblée suscite une grande espérance exprimée lors du mémorable mouvement social d’octobre 2019 : rédiger le texte qui remplacera la Constitution adoptée en 1980 sous la dictature de Pinochet et ainsi clôturer définitivement la longue transition démocratique débutée en 1989. Cette transition « pactée » avait certes permis d’éviter une effusion de sang, mais elle avait aussi conduit à maintenir une Constitution d’essence dictatoriale.

Avec le temps, d’importantes révisions avaient été opérées, en particulier celle de 2005 qui, sous l’autorité du Président socialiste Ricardo Lagos, avait éliminé les principales enclaves autoritaires. Cependant, le texte reste marqué par la philosophie autoritaire et néolibérale de ses rédacteurs, visible dans la formulation de certains droits, dont le droit de propriété ou la liberté de com


[1] Intégrée à l’article 133 de la Constitution.

[2] Régi par les articles 37 à 41 du Règlement de participation populaire.

[3] Intégré à l’article 136 de l’actuelle Constitution.

[4] Cour d’appel de Santiago, 27 septembre 2021, recours n°39161-2021.

[5] Ce point avait notamment évoqué par Pierre Dardot dans son article publié dans ce journal. Voir : Pierre Dardot, « La Constituante chilienne : une refondation en acte de la démocratie », AOC, 21 juillet 2021.

[6] Inscrite à l’article 133 de l’actuelle Constitution.

[7] Ce principe consiste en la reconnaissance de l’existence des peuples nationaux indigènes préexistant à l’État pour parvenir à une participation égale dans la distribution du pouvoir, dans le plein respect de leur libre détermination et autre droits collectifs ; en la reconnaissance du lien avec la terre et ses territoires, institutions et formes d’organisation.

[8] Ce principe reconnait que les cultures ne peuvent être réduites à une seule manière de voir et de concevoir le monde, impliquant des mesures de dialogue horizontal entre plusieurs acteurs, sur la base du principe d’égalité et de respect mutuel et reconnaissant la différence et les particularités des peuples présents au Chili.

[9] Article 5 du Règlement général.

Carolina Cerda-Guzman

Juriste, Maîtresse de conférences en droit public à l'Université de Bordeaux

Notes

[1] Intégrée à l’article 133 de la Constitution.

[2] Régi par les articles 37 à 41 du Règlement de participation populaire.

[3] Intégré à l’article 136 de l’actuelle Constitution.

[4] Cour d’appel de Santiago, 27 septembre 2021, recours n°39161-2021.

[5] Ce point avait notamment évoqué par Pierre Dardot dans son article publié dans ce journal. Voir : Pierre Dardot, « La Constituante chilienne : une refondation en acte de la démocratie », AOC, 21 juillet 2021.

[6] Inscrite à l’article 133 de l’actuelle Constitution.

[7] Ce principe consiste en la reconnaissance de l’existence des peuples nationaux indigènes préexistant à l’État pour parvenir à une participation égale dans la distribution du pouvoir, dans le plein respect de leur libre détermination et autre droits collectifs ; en la reconnaissance du lien avec la terre et ses territoires, institutions et formes d’organisation.

[8] Ce principe reconnait que les cultures ne peuvent être réduites à une seule manière de voir et de concevoir le monde, impliquant des mesures de dialogue horizontal entre plusieurs acteurs, sur la base du principe d’égalité et de respect mutuel et reconnaissant la différence et les particularités des peuples présents au Chili.

[9] Article 5 du Règlement général.