Chili : écrire une Constitution sans contraintes
Élue les 15 et 16 mai derniers, l’assemblée constituante chilienne a d’ores et déjà marqué l’Histoire. Celle de son propre pays avant tout, puisqu’il s’agit tout simplement de la première assemblée constituante de l’histoire du Chili. Mais elle a également fait une entrée fracassante dans l’histoire mondiale des processus constituants, en ce qu’elle est la première assemblée dans le monde à être totalement paritaire.
Preuve de son retentissement international, la présidente de cette assemblée, Elisa Loncón, a été désignée par le magazine Time comme une des cent personnalités les plus influentes dans le monde en 2021. Cette consécration médiatique peut étonner dans la mesure où pour le moment… aucune ligne de la nouvelle Constitution n’a été adoptée. Depuis son installation le 4 juillet 2021, l’assemblée, appelée « Convención constitucional », est uniquement parvenue à voter les textes organisant en détail son fonctionnement interne : le Règlement général, celui relatif à l’éthique, celui sur la participation et la consultation indigène, et enfin celui portant sur la participation populaire.

Malgré son bilan quantitativement mince, cette assemblée suscite une grande espérance exprimée lors du mémorable mouvement social d’octobre 2019 : rédiger le texte qui remplacera la Constitution adoptée en 1980 sous la dictature de Pinochet et ainsi clôturer définitivement la longue transition démocratique débutée en 1989. Cette transition « pactée » avait certes permis d’éviter une effusion de sang, mais elle avait aussi conduit à maintenir une Constitution d’essence dictatoriale.
Avec le temps, d’importantes révisions avaient été opérées, en particulier celle de 2005 qui, sous l’autorité du Président socialiste Ricardo Lagos, avait éliminé les principales enclaves autoritaires. Cependant, le texte reste marqué par la philosophie autoritaire et néolibérale de ses rédacteurs, visible dans la formulation de certains droits, dont le droit de propriété ou la liberté de com